Quicksilver était ronchon. Il l'était toujours, donc ça n'aurait pas du étonner quiconque, mais depuis que les loups mangeaient mal, il l'était encore plus. Et puis, pour ajouter à son désarroi, quand il trouvait quelque chose de mangeable, il se demandait sans cesse s'il pouvait le manger. C'était une question idiote, qu'il ne s'était jamais posé avant. Mais maintenant, l'image du corps - trop svelte pour se santé - de Prilla lui flottait dans la tête dès qu'il se retrouvait devant une proie. Et même quand il n'y en avait pas, son image était présente, il fallait le préciser. Elle ne quittait plus ses pensées. La nuit, il rêvait d'elle. Le jour, il pensait à elle. Elle était là, sans cesse.
Depuis quelques semaines, ils partageaient une tanière à deux. Quicksilver avait enfin quitté son trou perdu dans le fin fond du cul de l'univers, et s'était donc rapproché des tanières des autres loups. Ce n'est pas qu'il n'avait jamais pensé à s'en rapprocher, c'est juste qu'il se plaisait bien dans sa petite tanière, du coup, il n'en avait pas changé. En gros, de la pure flemmardise, mais il ne l'avouerai jamais. Enfin bref, il partageait donc une tanière avec Prilla. Et cela le rassurais dans un sens, car les nuits devenaient froides, et la présence de la louve réchauffait autant son corps que son cœur. Elle était magique: elle faisait fuir l'air glacial de la nuit, et la solitude amère de son esprit. Mais, comme tout les autres loups du clan, elle dépérissait à vue d’œil. Le clan de la Terre devenait l'ombre de lui-même, Et voir Prilla ainsi démoralisé Quicksilver plus que n'importe quoi d'autre.
Aussi, il était parti ce matin-là pour espérer trouver quelques proies bonnes à manger dans la jungle, pensant que les épais feuillages auraient peut-être protégés les petits animaux du froid, les invitants à rester encore un peu dans les environs. C'est donc avec quelques pensées positives qu'il s'efforça de débusquer à manger au milieu des racines et des feuilles mortes. Il n'eu malheureusement pas beaucoup de succès, et alors que le soleil avait bien entamé sa course dans le ciel, il n'avait même pas repérer la moindre odeur d'une proie. Il avait tant souhaité trouver de quoi nourrir Prilla, afin de lui redonner quelques forces. Il s'enfonçait donc de plus en plus dans la jungle, malgré le froid qui lui transperçait les os. Il devait continuer, pour elle.

-Quicksilver ! Bonjour!

Quand Prilla l'eu rejoins, Quicksilver enfonça lui aussi son museau dans sa fourrure rousse. Il adorait quand elle faisait ça, et le faisait alors lui aussi à son tour. Il se sentais envahit d'un calme à toute épreuve. Et son contact lui fit oublié qu'il était transit de froid, et le réchauffa. C'était si bon, qu'il se demandait encore comment il avait fait pour vivre si longtemps seul et loin des autres. Prilla lui avait ouvert un monde magnifique de rêves et de sentiments. Et aujourd'hui, la dure saison menaçait de lui retirer tout ce pour quoi il se battait. Il ne pouvait l'accepter.

-Bonjour, Prilla.

-Petit cachotier ! Tu aurais du me réveiller en partant je serais venu chasser avec toi.

Il ne pouvait pas lui dire qu'il faisait ça pour ne pas l'épuiser, elle risquait de se sentir vexée. Il préférait plutôt lui dire qu'elle était magnifique quand elle dormait.

-Je ne voulais pas te réveiller, tu étais si belle assoupie. Mais tu l'es aussi réveillée! ajouta-t-il avec précipitation.

Lui dire qu'elle est belle, oui. Lui dire qu'elle ne l'est que quand elle dort, mauvaise idée. Surtout que ce n'est pas vrai. Elle est toujours magnifique, en tout temps et en tout lieu! Mais là, elle commençais à diminuer de volume un peu trop fortement à son goût. Et venir chasser avec lui était une mauvaise idée, elle était devenue trop faible. En plus, ils allaient mettre un temps fou avant de trouver à manger. Mais bon, quand femme veut, femme obtient. Il fut incapable de la renvoyer au camps. Alors, il se contenta de s'éloigner doucement de sa douce fourrure, et continua à marcher parmi les arbres recherchant de la nourriture. Il avait aperçu plus d'une fois un oiseau au dessus des arbres, par les trous dans le feuillage, mais il était bien incapable de les atteindre. Mais il fallait rester positif: si des oiseaux sont présents, alors d'autres animaux seront là aussi. Il ne tardera pas à trouver.
Au bout d'un certain temps, Quicksilver regarda à sa gauche, et vit un infime mouvement entre deux feuilles mortes. Il s'arrêta net, et cru avoir eu la berlue, quand le mouvement recommença. Il fit alors signe à Prilla, ne sachant pas si elle l'avait vu, et s'avança lentement. Une fois à deux mètres de la proie potentielle, il put reconnaître l'odeur doucereuse d'un petit hamster. C'était petit, mais ce serait nourrissant pour eux, qui n'avaient rien mangé depuis trop longtemps. En cinq secondes, durant lesquelles il fit un bon pathétique, ayant mal compensé sa perte de poids, il réussit à attraper le petit animal par le coup, avec un bonus des plus surprenants: l'oiseau de tout à l'heure qui avait apparemment lui aussi repéré le rongeur, et qui avait foncé dessus. Lui aussi devait être mal en point, car au lieu de se ficher dans la chaire tendre de l'hamster, il était allé se tordre le coup contre la racine contre laquelle cette petite boule de poils faisait son lit.
Quicksilver ne rechigna pas devant ce repas tombé du ciel, et apporta ses jolies prises à Prilla, espérant que cela suffirait pour qu'elle reprenne du poil de la bête.

J'offris le mulot et l'oiseau à Prilla, qui les engloutis en partie, me laissant une grande partie de l'oiseau. Puis, j'entendis le même bruit qu'elle, mais ne fus pas aussi rapide, la laissant voir ce que c'était. Lorsque Prilla revint avec un petit lapin, je sentis mon ventre faire des bonds. Cela faisait si longtemps que je n'en avait pas mangé. Elle le déposa devant moi, et je m'allongea afin de prendre mon repas. Elle posa sa tête sur mon dos, et s'endormi alors que j'entamais le lapin après l'oiseau. Ils étaient tout les deux aussi maigres que le mulot, mais ils me firent un bien fou. Je laissa la moitié du lapin, histoire d'en ramener un peu aux louveteaux du clan, et m'endormi moi aussi.
Notre sieste dura une bonne partie de la matinée. Je fus réveillé par un rayon de soleil passager qui me passa sur les yeux. Mais cela devait faire un moment que le soleil était sorti de derrière les nuages, car je senti ma fourrure chaude. Je réveilla Prilla pour lui montrer ce petit soleil, si rare ces temps-ci. Je lui lécha le museau doucement, et quand elle ouvrit les yeux, je lui dis tout doucement:

-Regarde Prilla, le soleil a décidé de se montrer. Il faut en profiter!

Je lui fis encore un câlin, et me leva en douceur, pour ne pas la brusquer à son réveil. Je pris le reste du lapin dans la gueule, et continua à marcher lentement, retournant vers l'entrée de la jungle, là où les arbres seront assez écartés pour qu'on puisse pleinement profiter du soleil.

Alors que je marchais paisiblement, Prilla à mes côtés, je me retrouva au sol, le museau étalé dans la boue, sans comprendre ce qui m'arrivais. Elle éclata de rire, et je finis par rire avec elle. On se releva, et alors que j'étais en train de débarrasser mon museau de la boue qui le maculé, Prilla me poussa de nouveau, et je finis pour la seconde fois de la journée le museau plein de boue. Je n'eu que le temps de la voir disparaître derrière un buisson, son rire résonnant dans la forêt. Elle voulait jouer à ça? Très bien! Je souris à mon tour, ramassant le lapin que j'avais fais tomber. Je le posa entre deux racines, décidant de revenir le chercher plus tard.
J'entendis alors le premier bruit que fit Prilla. Je me dirigea vers sa source, pour entendre le même son à plusieurs mètres de distance. Je me retourna d'un bloc, étonné de la rapidité avec laquelle elle s'était déplacée sans faire de bruit. Puis, alors que je m'élançais vers ce qui était en réalité le deuxième caillou lancé par Prilla, j'entendis cette fois un son venant de ma droite. Ce qui était absolument impossible! Je m'arrêta donc, cherchant à la localiser, quand je vis un caillou fendre l'air. C'était donc ça! La petite maligne pensait pouvoir me faire tourner en bourrique! Très bien, puisque c'était ainsi, jouons le jeu. Je me dirigea vers le point d'impact de ce nouveau caillou, me servant plutôt de mon nez pour trouver son odeur, que je finis par sentir quelques mètres derrière moi. Quand un nouveau caillou résonna à ma gauche, je fis un demi tour complet, et m'élança directement vers sa véritable cachette. Je réussis à éviter l'impact de quelques centimètres, pour me retrouver museau à museau devant elle. Je lui fit une léchouille sur le nez, et lui sauta dessus pour la faire rouler dans la boue à son tour. Je lui lécha la figure autant que je pus, avant d'éclater de rire en roulant sur le dos, comme un gamin découvrant la boue.
Je n'avais jamais joué ainsi, et à chaque fois que j'étais avec Prilla, j'avais l'impression de découvrir quelque chose de nouveau. Cette pensée m'aida à arrêter le flot de bulles de rire qui déferlait dans mon cerveau, et toujours le sourire aux lèvres, je me releva, aida Prilla à en faire de même, et la débarrassa des quelques tâches de boue qui ornaient son corps de quelques coups de langues puissants, avant d'en faire de même pour moi.

-Hé bien, nous voila beaux comme des dieux, maintenant! Si madame veut bien se donner la peine... dis-je avec le ton du parfait petit majordome et la petite courbette qui va bien.

Une fois cela fait, je commença à aller récupérer le lapin, avant de m'arrêter d'un coup. Je n'avais pas du tout envie de retourner au clan maintenant, je préférais rester ici, au milieu des arbres et des feuilles rousses, à profiter du soleil passager. Je retourna près de Prilla, m'accroupis devant elle, et plongea mon regard dans le sien, et regarda Prilla, mettant tout l'amour du monde dans mes yeux gris.

-Prilla, accepterais-tu de partager ta vie avec le pauvre loup que je suis, et de vivre avec moi dans les meilleurs et les pires moments de notre existence?

La réponse de Prilla me fit rougir. Pas que je sois embarrassé ou quoi que ce soit, non. C'était juste un peu, comment dire, inattendu. Bon, vu comment elle paraissait embarrassée elle aussi, elle devait également avoir le rouge aux joues. Dommage que le fourrure cache tout. Ça aurait été amusant de la voir rougir.
Je profita du moment où elle était près de moi pour me coller à elle et rester ainsi le plus longtemps possible. J'étais bien, là. Et heureux. Mais, comme on dit, les bonnes choses ont une fin. Il allait falloir rentrer, au moins pour ramener ce trois quart de lapin pendant qu'il est encore un peu chaud. Avec le temps, il allait pas tarder à congeler. Alors, je me sépara de Prilla et je retourna chercher le lapin. Je l'attrapa par la peau du cou, revint vers elle et enroula ma queue avec la sienne. Je la frôla et continua mon chemin en direction du camp, me repaissant de la chaleur bienveillante des rayons du soleil qui parvenaient à passer entre les arbres.

-Je ramène le lapin au camp, et après je reviens ici. Tu n'as qu'à m'attendre, je ne serais pas long. dis-je en baragouinant avec la proie dans la gueule.

***

Une fois arrivé au camp, je me dirigea directement vers la pile de proie, très peu fournie et absolument ridicule, pour y déposer mon lapin, qui devait faire à lui tout seul le quart des réserves du clan. Puis, sans mot dire ni regard vers quiconque, je reparti vers la jungle, me prélasser au calme parmi les arbres.

***

De retour à la jungle, je commença par chercher Prilla, que je retrouva en train de faire bronzette dans une tâche de soleil. Il commençait à entamer sa descente, il valait donc mieux en profiter pendant qu'il était encore haut et chaud. Je m'approcha donc doucement de Prilla, et me coucha à son côté, posant ma tête sur son dos.
Je commença à m'assoupir, et je revis alors l'endroit où tout a commencé, là où Prilla m'a fait changer la première fois: la Rivière Rouge. Cette louve est si têtu quand elle veut quelque chose, qu'elle ne m'avait pas lâché avant que je lui présente des excuses pour l'avoir bousculé. Je crois bien que c'était la première fois que je la regardais vraiment. Et aussi que je découvris que j'avais encore des sentiments. Et depuis, avec elle à mes côtés, je n'avais cessé de toujours plus m'ouvrir. C'est à elle que je devais ma joie de vivre.

Je sombrais tout doucement dans le sommeil quand je sentis Prilla remuer sous ma tête. Je ne faisait pas particulièrement attention à ce qu'elle disait, les oreilles encore emplies du bourdonnement de la fatigue. Mais elle continua à se plaindre et à remuer, si bien que je fini par entendre ses mots.

-Allez Quicksilver fais moi une place s'il te plait !

Ah, apparemment, moi dormant sur son dos, ça ne faisait pas l'unanimité. Ce qui est compréhensible. Je grogna un peu pour avoir été réveillé et commença à me relever pour mieux me ralonger. Alors que Prilla devait s'attendre à me voir me recoucher à côté d'elle, une lueur de malice passa dans mes yeux, et des bulles de rire se faufilèrent dan mon cerveau. Je fis un grand un grand sourire, et en deux secondes, je me retrouva couché de tout mon long sur la louve. Le but n'étant pas de l'écraser sous mon poids, je resté tout de même en appui sur mes pattes pour la soulager quelque peu. Je resta là plusieurs minutes, alternant entre lui mordiller les oreilles et lui lécher le dessus du crâne. Ce faisant, je sentais sa douce odeur de musc, qui m'ennivrait et m'emmenait si loin. Quand je la sentais, c'est comme si j'étais transporté dans un nouveau monde, je ne ressentais plus le froid mordant de l'hiver qui approche, la faim qui tiraille mes intestins, l'anxiété générale de la guerre des meutes qui approche. Non, quand je sentais cette odeur, je devenais léger comme la brise d'été, heureux comme le faon têtant sa mère, puissant comme le roc défiant les vagues, mais aussi minuscule comme la poussière dans l'univers, faible comme le poisson face à l'ours, et seul comme le cactus perdu dans le désert. En sa présence, j'étais à la fois tout et rien, puissant et faible, entouré et seul. Mes sentiments étaient si contracdictoires qu'à chaque fois, je me demandais comment il était possible pour un loup de tous les ressentir en même temps.
Tout à mon jeu, j'exercer également des pressions sur mes pattes, alternant entre la droite et la gauche, dans l'objectif de la balloter un petit peu. Et oui, je cherchais à l'exaspérer. Elle était tellement mignone quand elle s'énervait, si belle quand elle était confuse. Et cela m'amusait tellement. Je n'avait pas ris depuis si longtemps, que désormais je passais chaque instant au près d'elle à rire de la vie.
Au bout d'un moment, craignant de vraiment la contrarier et qu'elle m'en veuille, j'arrêta mon manège et me remis à côté d'elle. Je me rallongea tout en lui léchant le museau, un reste d'humour dans les prunelles. Pour me faire pardonner d'avoir voulu l'exaspérer, je passa ma tête par dessus la sienne, qui se plaça contre ma poitrine. Je ronronna alors tout en enroulant ma queue avec la sienne.

Le soleil avait entamé sa descente depuis un moment, et cela faisait déjà quelques minutes que sa course vers l'horizon s'accélérée. En plus, de gros nuages étaient venus raccourcir notre temps à la lumière de l'astre chaud. C'était très désagréable, car en plus de l'air frais du soir, l'orage qui s'annonçait était accompagné d'un vent mordant, qui se levait doucement mais sûrement. Déjà qu'on avait pas beaucoup de chaleur, mais en plus les éléments se liguaient contre nous pour nous l'enlever!
Je sentis Prilla se lever en même quelques secondes après que les nuages aient commencés à cacher la lumière. *Ho non, pas maintenant! Encore un petit peu...* En bon flemmard, malade et fatigué que j'étais, je ne voulais pas me lever de suite, mais ma Prilla n'avait pas l'air d'accord...

-Il vaut mieux rentré à la tanière, il risque de pleuvoir et tu sais que je n'aime pas trop la pluie, même si c'est en partie ce qui à permit que nous nous rencontrions toi et moi.

Je ne voulais pas partir, mais elle n'avait apparemment plus envie de rester. Bon, d'accord, je capitule. De toute façon, j'ai toujours le dernier mot avec elle. Quoi? Vous ne me croyez pas? Mais si! Je finis toujours par: 'Oui!' Mais c'est moi qui conclu! Et oui, t'es trop fort ou tu ne l'est pas, c'est tout.
Bref, où j'en étais moi... Ah, oui, Prilla partait sans moi. Mais ça va, je l'ai vue s'arrêter un peu plus loin par l'oeil que j'avais ouvert. Je grommela un 'Oui, j'arrive' entre mes dents. - Vous voyez? Le dernier mot, c'est moi! - Je me releva lentement, et pris le temps de m'étirer, mettant bien mon corps musclé, quoique plus maigre que l'été précédent, en valeur. Les femelles adoraient toujours ça.
Une fois debout, je débarrassa mon poitrail de quelques poussières qui étaient venues s'y loger, et je rejoignit ma douce en trottinant. A son niveau, je ralentit, et continua avec elle en marchant tranquillement. Oui, nous nous sommes rencontrer par un temps presque plus moche que celui-ci. Les éclairs l'effrayaient, et en gentlewolf que je suis - *toussote* -, je ne pouvais pas la laisser apeurée, toute seule au milieu de nulle part. Il avait bien fallu que quelqu'un la console: elle pleurait si fort qu'elle m'empêchait de dormir plus sûrement que le tonnerre au-dessus de nous. Alors je suis allé la réconforté, même si je n'est jamais été doué pour ça.
Enfin bon, tout ces souvenirs, ça a le don de me rappeler comment la vie était plus facile quand j'avais décidé de vivre sans éprouver le moindre sentiment. Mais même si je ne l'avouerai pour rien au monde, je n'y reviendrais jamais: j'avais trop peur que Prilla m'en veuille et s'en aille. Non, ce n'était pas la bonne solution. Je devais apprendre à vivre ainsi, maintenant.
Perdu dans mes réflexion, je ne vis pas ce que je supposa être une racine, trébucha dessus et fini par terre, la pointe du museau émergent de l'immense flaque de boue dans laquelle reposait une grande partie de mon poitrail et de ma tête. Un peu étourdi, je me remis sur patte, et m'ébroua, envoyant voler quelques giclées de boue sur Prilla, qui avait l'air de bien rire de la situation. Evidemment, ce n'était pas elle qui était tombée. Sinon, vous pouvez me croire, elle rirait beaucoup moins.

-Ahahah. Je suis mort de rire. Tu ne pourrais pas m'aider à me débarrasser de ça, plutôt qu'à t'esclaffer?

Grognon et, je l'admet, un peu, bon d'accord, assez, rhô, ça va, et en boudant beaucoup - voila, contents? -, je me lécha méticuleusement la poitrine, enlevant jusqu'à la moindre goutte d'eau, la moindre tâche de terre, la moindre miette de poussière. Mais le dessous de la tête, ça, c'est une autre histoire. Je vais avoir beaucoup de mal à me nettoyer, à moins qu'on tombe par pur hasard sur un ruisseau au beau milieu de la jungle, ou qu'il commence à pleuvoir. Oui, tiens, si l'orage éclatait maintenant, il pourrait complètement me nettoyer! C'est une bonne idée, ça! Mais qu'est-ce que je suis génial, je m'étonne encore moi-même.
Je jeta un coup d'oeil à Prilla; mon idée ne lui plairait pas, pour sûr. Tant pis. Je détourna le regard, et le reporta sur le ciel, regardant la masse grise-noire qui cachait le soleil pour nous donner l'impression qu'il faisait déjà nuit.

J'étais arrêté sur le chemin et je regardais en l'air, vers les nuages qui s'amoncelaient pour former un gros orage qui ne devrait pas tarder à éclater. La pluie qui tomberait alors sera assez forte pour me débarrasser du moindre grain de poussière qui envahissait ma belle fourrure. Pas que je sois maniaque sur ma propreté, mais disons que j'aime bien savoir que mes poils sont propres. C'est tout! Et puis, de toute façon, Prilla préférerait sûrement un loup à la fourrure propre, qu'un crasseux au poils boueux. Elle avait d'ailleurs due apercevoir mon regard vers le cile, car elle se serra contre moi tout en disant:

-S'il te plait Quicksilver, rentrons, j'ai peur.

Ha, oui, c'est vrai: elle a peur des orages. Je ne l'ai jamais vraiment compris: moi, ils me fascinent. L'éclair aveuglant, le bruit assourdissant, le choc des nuages, tout cela dans une scène apocalyptique embrouillée par les tonnes de litres d'eau de pluie qui tombaient. Ça avait quelque chose de fascinant.
Les tremblements de Prilla mirent fin à me rêverie. Normalement, elle aurait courue se réfugier au camps depuis longtemps. Mais elle avait sûrement refusée de partir sans moi. La connaissant, elle devait se faire violence pour empêcher ses pattes de courir jusqu'à notre tanière. La pauvre. Mais maintenant, il était trop tard: même en courant sans nous arrêter, nous ne pourrons pas nous abriter avant que le ciel n'explose et déverse sur nous ses milliards de gouttes d'eau. Mais franchement, qu'est-ce qui a bien pu me passer par la tête quand je me suis enfoncée si profondément dans la forêt? Le pire, c'est que je savais qu'un orage ne tarderait pas. En cette saison, ils sont toujours devancés par un soleil éclatant, qui ne dure jamais plus de quelques heures. Mais j'y étais allé, et quand Prilla m'avait rejoint, je ne lui avais pas dis. J'aurais pu le faire, c'est vrai. Mais à quoi bon gâcher quelques minutes de soleil avec une discussion sur les orages? ça ne valait pas la peine de le lui révéler. Je pensais qu'on serait rentrés à temps pour ne pas être mouillés.
Enfin, ne remuons pas le passé, ça ne peut que nous donner de mauvaises idées. Et Prilla ne cessait de s'apeurer encore plus. Il n'y avait pas de temps à perdre. Plus vite on partira, moins longtemps on sera sous l'eau. Je remis Prilla à sa place sur ma droite, histoire de pouvoir marcher, et avec un regard encourageant vers ma Prilla, je commença à marcher dans la direction du camps. Elle me suivait de près, ne désirant certainement pas rester seule sous l'orage qui commençait à gronder.Je vis un éclair en retournant la tête pour voir le chemin parcourut. La pluie ne tarderait pas.

-Prilla, il va falloir se dépêcher. L'orage se rapproche rapidement.

J'avais parlé doucement. Elle était déjà assez effrayée, inutile de l'apeurer encore d'avantage. Soudain, je sentis les premières gouttes me tomber sur le dos. Nous étions encore plus loin du camps que ce que je croyait tout à l'heure. Nous commencions à être mouillés, et Prilla allait finir par faire une attaque à force de trembler comme elle le faisait.
Avant d'avoir eu le temps d'expliquer ce que j'allais faire, je la poussa sous un arbre, la rejoignit et bâtit autour de nous un dôme avec une fine couche de sable, qui nous protégera de la pluie le temps de l'orage. Ce dôme ne sera pas compliqué à maintenir, je pourrais le garder toute la nuit s'il le fallait. Ainsi, nous serions tranquilles.

Alors que j'espérais que la pluie me laverait, je n'avais eu d'autre choix que d'abriter Prilla. Tant pis: je préférais rester sale, mais la savoir sauve. Sous le dôme, alors que je me résignait à passer une nuit sale, Prilla commença à me nettoyer le pelage. Elle avait du comprendre que j'espérais me nettoyer sous la pluie. Je l'aida de mon mieux, mais ne pu pas me contorsionner assez pour l'aider efficacement. Cette tâche nous prit plusieurs minutes, mais à la fin, Prilla était de nouveau sereine, et l'amour dans son regard avait remplacé la peur. Tant mieux. Nous nous couchâmes côte à côte, et elle posa sa tête sur moi. J'étais bien, allongé au près d'elle. On entendait encore la pluie battante au dehors et l'orage gronder, mais ces bruits nous parvenaient étouffés. Si je n'y prêtais pas attention, je pense que je ne les auraient pas entendus.

-Merci Quicksilver. Et pardon, je sais que toi tu aime l'orage, et je t’empêche de le voir encore une fois.

Oui, c'est vrai que j'aimais l'orage. Mieux: je l'admirais. Tant de force et de beauté en un même endroit, réunis pour un spectacle si passionnant et si dangereux... Mais Prilla passait avant. Elle passerait toujours avant. L'orage, je pourrais en voir un autre. J'ai encore le temps, pour ça.

-Ne t'en fais pas. Tu passes avant tout ça, et tu le sais très bien. Je préfère être ici avec toi, que dehors sous la pluie. Si je ne dois plus jamais voir un orage, soit, je n'en ai pas besoin: la plus belle créature de la Terre est juste devant moi.

Je fourra mon nez dans sa fourrure, et resta là à sentir son odeur.

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Nous restâmes sous le dôme toute la nuit. Au matin, l'orage avait enfin cessé. Je laissa le sable glisser vers le sol, pour se fondre à nouveau à la terre. Le soleil pointait timidement, et les oiseaux chantaient la fin de l'orage, et la fraîcheur de la pluie. C'était un très joli son, qui évoquait le printemps pourtant encore lointain, et nous apportait une promesse de redoux, que nous n'espérions plus depuis longtemps. Tant mieux, si il venait. Cela ferait revenir certaines proies dans les terrains de chasse, et aiderait à faire diminuer les tensions.
Je regarda Prilla, qui s'éveillait en douceur. Le soleil naissant faisait des reflets roux dans sa fourrure, qui évoquaient un feu lointain, et pourtant si proche. Je ne pu détacher mon regard d'elle, et lui souhaita le bonjour avec un léchouille sur son museau.

Prilla s'est réveillée tout en douceur. Elle était si belle... Mon petit coup de langue acheva de la tirer de son sommeil.

-Bonjour beau loup

Quand elle s'étira, mon cœur fit des bons. Sa fine silhouette, rehaussée par l'éclat du soleil levant, donnait l'impression qu'un feu naissait dans sa fourrure. Elle était si belle... Et elle était à moi! La magie du moment fut rompue par nos ventres grondants à l'unisson. Prilla éclata de rire, alors que moi le rouge me monta aux joues. Elle m'avait peut-être pas entendue..

-Quelqu'un à faim. Et si on allait chercher le petit déjeuner?

Je regarda Prilla s'éloigner sans bruit. Un peu plus tôt, j'vais sentis de la viande, mais elle était trop éloignée pour que je puisse discerner de quel animal il s'agissait. Alors ce sera la surprise. J'avais reposé la tête sur mes pattes, quand Prilla revint avec un lapin bien dodu. Miam! Elle posa la lapin entre mes pattes entre ouvertes, là où se trouvait ma tête deux secondes auparavant. Je l'avais enlevée juste à temps. Je ronronna en sentant Prilla frotter sa joue contre ma nuque.

-On partage?

Sans hésiter, je pris le lapin dans ma mâchoire et fit craquer ses os. Ce faisant, je décrocha une belle cuisse, et le passa ensuite à Prilla pour qu'elle se prenne une part. Son odeur était alléchante, et son goût le serait sûrement tout autant.

-Alors, on se sent mieux l'estomac plein?

Malgré mes efforts, je ne pus m’empêcher de laisser transparaître une lueur de malice dans mes yeux. J'avais très bien entendu son estomac gronder, et elle n'avait pas entendu le mien. pourquoi n'en profiterais-je pas?

Oui, c'est vrai que j'avais moi aussi très faim, et que ce petit lapin m'avait bien calé le ventre. Au moins, je réussi à garder une certaine contenance quand elle accusa à raison mon ventre d'avoir grogné lui aussi.

-J'aimerais mettre plus de feuilles dans la tanière il y fait encore trop froid je trouve.

Ha, le voila, le fameux changement de sujet que je sentais venir. Bon, au moins, ce sujet là avait une certaine importance. Depuis quelques nuits je passais mon temps à réchauffer Prilla... Un peu plus de feuilles et de mousse aiderait sûrement la tanière à garder la chaleur du soleil lors de ses trop rares apparitions. Sans prendre la peine de répondre, je me leva et commença ma collecte de feuilles et de mousse. Au bout de quelques secondes, j'avais une dizaine de feuilles en bouche. Je revint vers Prilla, et avant qu'elle ne comprenne ma lueur maligne dans les yeux, je lui jeta le tout à la figure. Elle finit avec une feuille sur le museau, une autre entre les oreilles, et le reste sur le dos ou autour de ses pattes.

-Voila! Tu es sûre que tu aura assez de feuilles comme ça?

J'éclata de rire et m'éloigna tout de même prudemment de Prilla. J'aime bien l'embêter, mais j'aime moins quand elle se venge.

Je faisais moins le malin, d'un coup, bloqué au sol. Ho, j'aurais pu me libérer e transformant la terre en sable, ce que j'ai d'ailleurs essayé, et qui n'a pas très bien fonctionné. Mémo à moi même, transformer de la terre manipulée par Prilla, ça marche pas. C'est bon à savoir. Enfin bref, je fus condamné à la regarder récupérer des feuilles, me les jeter dessus, en récupérer d'autres, me rejeter les feuilles dessus, et ainsi de suite. Je crois bien que j'ai arrêté de rire aux éclats quand j'ai faillis avaler une feuille. Oui, ça doit être à ce moment là. Il ne fallu pas longtemps à ma louve pour m'ensevelir sous ses attaques feuillus. J'en avais jusqu'au cou! Ça, elle va me le payer, et au centuple, croyez moi! Evidemment, une fois méconnaissable ( à cause de qui, on se le demande) elle éclata de rire. Ha, en plus elle profitait du spectacle! Elle s'est finalement décidée à me libérer les pattes, tout en me frottant le museau. Ho, elle croyait que j'allais la pardonner pour une simple caresse de museau? Ok, elle me connait trop bien... Je lui pardonnais pour un simple regard! Mais que suis-je devenu? Je ne peux même plus me moquer de ces loups romantiques. Tch...

-Ça t'apprendra à faire le malin.

Ha oui? Alors c'était un leçon? Dans ce cas, le pardon n'est pas permis... Je m'ébroua avant qu'elle n'est le temps de s'éloigner, de sorte qu'elle reçue quelques feuilles qui restèrent sur son dos. Avant qu'elle n'ai le temps de réagir, je lui sauta dessus et nous partîmes en roulé boulé dans le sous bois. Je n'avais de cesse de rire et de lui donner des petits coups de langue sur le museau dès que j'en avais l'occasion.
Je fini par nous immobiliser, elle sur le dos moi au dessus, les pattes de part et d'autres de son visage.

Et bien et bien, qui est le plus malin maintenant?

Malgré mon ton plus que sarcastique, je lui mon regard d'ange innocent et mon sourire n°3, celui qui voulait dire: "Moi, faire une bêtise? Jamaaaaaaaais...."