Le soleil n’existait plus en ces lieux. Seule la lune, veillant constamment, diffusait ses rayons clairs sur les feuillages ternes. Le sous-bois était vide de vie, car les végétaux ne peuvent pousser sans lumière. Seul les vieux arbres grisant se dressaient encore, témoignant que par le passé le soleil était là comme partout ailleurs. Quelques plantes étranges avaient réussies à s’adapter à ce milieu froid et sombre, rampant sous les talus et s’accrochant aux racines et aux troncs. Cette forêt, très peu propice à la chasse, ressemblait plus à un repère de mauvais esprits qu’à un territoire d’un clan.

Le Feu Follet n’était plus venu ici depuis déjà quelques lunes. Elle ne s’était jamais attardée dans ce territoire, se contentant de le traverser. Pourtant, elle aimait beaucoup cet endroit sombre et lugubre, qui en plus était silencieux comme la mort. Elle avait également entendu parler de ce Kyoshi, ancien solitaire devenu Alpha, rôdant souvent sur ces terres. Elle avait déduit sans grande peine que cet endroit était son repère. Okana se déplaçait beaucoup, car elle voulait éviter le contact avec les clans. Il était évident qu’en temps qu’assassin, elle n’était la bienvenue nulle part, et qu’il valait mieux pour elle de changer régulièrement de cachette, pour qu’on ne puisse pas la débusquer facilement. Cependant, l’idée d’avoir son propre lieu ne lui déplaisait pas, mais les circonstances jouaient contre elle.

Un vent froid la tira de ses pensées. Elle étouffa un bâillement, puis se souvint qu’en dehors de cette forêt, il faisait sûrement jour. Okana chassait de nuit et se reposait la journée, c’était plus facile pour elle. Elle repéra donc un arbre, aux branches larges et solides. Il y eu un léger chuintement métallique lorsqu’elle sortit ses griffes argentées. Enfonçant celles-ci profondément dans le bois, elle grimpa en quelques coups. De grosses marques de griffes attestaient maintenant de son passage, de quoi donner un coup de froid aux quelques loups courageux qui oseraient s’aventurer en ces lieux. Elle s’allongea, croisant les pattes avant et laissant balancer sa queue tricolore dans le vide. C’est lorsqu’elle allait poser sa tête pour dormir qu’elle ressentit une présence bien distincte. Elle ne vit personne, mais elle savait pertinemment qu'il y avait quelqu'un. Un sourire se dessina sur ces babines.

-L’Alpha me ferrait-il l’honneur de sa présence ?

Une clochette tinta, mais le l'Alpha resta invisible. Okana se demandait si par hasard, son pouvoir consistait à pouvoir être invisible, ou à se camoufler. Seulement, la présence qu'elle ressentait était un peu comme celle d'un esprit. Insituable. Lorsque le loup invisible prit la parole, elle ne sursauta même pas. Sa queue continua de se balancer.

« Tien donc, une brebis qui s'égare dans mon royaume bien pire... dans mon lieu préféré, tien tu donc a la vie ? Ahahahaha ~ peut être pas »

Brebis ? Voilà un surnom qu'on ne lui avait jamais donné. Feu Follet, c'était celui qu'on lui avait attribué et qui lui convenait bien. Elle haussa un sourcil.

« Je vais pouvoir enfin m'amuser à dévorer une louvette, la déchiquetant morceaux par morceaux pendant qu'elle agonise ~ a moins que tu me sois utile ~ »

Tout cela devenait fort intéressant. Elle avait bien envie de jouer la comédie, d'imiter la peur ou l'effroi. De plus, elle voulait qu'il se montre. Elle ricana intérieurement. Jouons un peu, toi et moi.

Okana se releva brusquement, tourna la tête de droite à gauche, cherchant avec des yeux apeurés son interlocuteur.

-Qui me parle ? Montre toi ! Balbutia-t-elle

Okana était une comédienne depuis la plus tendre enfance. Elle avait utilisé ce stratagème aussi à plusieurs reprises pour piéger ses proies. Cela ne pouvait pas marcher avec quelqu'un qui la connaissait, mais lui ne l'avait jamais rencontrée.

-Je... Je ne veux pas me battre ! Glapit-elle avec son air terrifié

C'était hilarant. Elle se retenait de se fendre la poire à chaque seconde. Si le gars tombait dans le panneau, elle était sûre de craquer. Des rumeurs couraient comme quoi cet Alpha était un loup sans foi ni lois. Seulement, Okana n'avait plus peur de grand chose. Pas d'un loup, pas d'une légende non plus. Elle n'avait même pas peur de la mort. Elle voulait juste s'amuser un peu.