Sombre, il faisait partout aussi sombre que dans les tréfonds tumultueux et obscurs des grottes minérales aux secrets oubliés. Il y faisait aussi sombre que dans le cœur d'un rat, l'ambiance y était aussi joviale qu'un champ de bataille, après la bataille. Les rapaces nocturnes, rongeurs, insectes et autres créatures purulentes ou prédateurs erraient silencieusement dans la forêt d'ombres, en quête de victimes, de proies, ou de choses intéressantes à observer. Et Amarante ne se fondait absolument pas dans le décor, il était du genre plutôt bruyant et luminescent, du genre qu'on remarque de très loin dans ce genre d'endroit où les ténèbres régnaient en maîtresses absolues. Il avait besoin de lumière dans cette forêt, sinon comment repérer efficacement les herbes qui lui serviraient à préparer différents onguents au service du clan ? Son pouvoir l'aidant beaucoup, il se faufilait donc dans la végétation affublé d'un pelage terne, mais sur lequel on aurait dit que quelque créateur farceur avait décidé de le transformer partiellement en guirlande de noël ambulante, et avait ensuite renversé des gouttelettes de magma en fusion ; lesquelles diffusaient une sinistre lumière d'un rouge brûlant en continu. Et on aurait qu'à moitié tort de le croire.
Le guérisseur connaissait cette forêt comme sa poche, mais la connaître ne suffisait hélas pas toujours, même en appartenant au clan de l'air, il n'était ni protégé ni immunisé contre les dangers qu'elle recelait. Il en était plus que conscient, aussi, malgré les apparences...
« Mais c'est pas possible ça... POURQUOI il n'y a plus de tubercules phosphorescentes dans ce coin ? Il y en avait encore il n'y a même pas trois jours. »
… Il faisait montre de beaucoup de discrétion et de prudence, car sagesse est fille de l'expérience, c'est bien connu.
D'humeur aussi fulminante qu'à l'accoutumée, le mâle furetait donc dans l'obscurité en promenant son corps qui lui servait de lampe torche naturelle et qui laissait dans son sillage comme une odeur de pain grillé. Trouver des plantes dans ces conditions était toujours pénible, mais au moins, il pouvait fanfaronner à sa guise et relâcher un peu la pression, car il était seul. Du moins, c'est ce qu'il croyait...
Car bien entendu, quand on s'absorbe dans une tâche avec autant de conscience et de professionnalisme, on ne prête pas toujours forcément attention à ce qu'il se passe autour de soi, aussi Amarante n'avait pas senti la présence menaçante dans son dos et qui semblait se rapprocher.
« Alors, il m'en faudrait deux racines de ce truc là... Ah... Et oh... Des marguerites. ♥ »
Oui, il aimait les fleurs, ne le cachons pas. Et puis de toute façon, ce n'était un secret pour personne, alors ne vous éternisez pas là dessus !
Bref, il ramassait soigneusement les plantes dont il avait besoin et quand il releva la tête, il avait la gueule pleine de végétaux insolites. Inutile donc de préciser que la petite boule de poils qui répondait au nom de Bosco avait très mal choisit son moment pour bondir sur le svelte canidé qui sursauta et qui cracha sur son agresseur tout ce qu'il avait ramassé en guise de riposte.
—Salut petite mauviette!Un morveux ! Il s'était fait sauté dessus dans la forêt de l'ombre en plein milieu de la nuit par un morveux ! Le générateur d'improbabilités avait tapé fort cette fois-ci. Néanmoins la teigne rousse se ressaisit.
« Qu'est-ce que tu fiches ici gamin ? J'ai du boulot MOI. Et si tu allais embêter les lézards hein ? Je suis sûr que eux, ils voudront bien jouer avec toi. »
cracha-t-il.
Il toisa le louveteau du regard et il ne mit pas longtemps à comprendre que celui-là, il n'était pas de son clan. Et il ne mit pas longtemps non plus à se dire que si ce gamin ne repartait pas immédiatement chez sa maman, il regretterait amèrement d'être venu jusqu'ici.