Le vent hurlait et la météo semblait toute disposée à embêter les adorateurs acharnés de l'élément feu. Je parle par-là de Kassander. Il crachinait et les gouttelettes d'eau mêlées aux courants d'air avaient en somme un effet des plus glacés, le pelage humidifié et complètement frigorifié, le mâle fuyait les petites intempéries du temps environnant en courant pour s'abriter et en pestant contre ces saletés de terres qui n'étaient pas les siennes. Il était un intrus ici, sa présence n'y était ni bienvenue ni désirée ou souhaitée. Il était bien conscient que si on le surprenait il se ferait virer sans ménagement, pourtant il était venu quand même... Pourquoi ? Parce qu'il profitait de la vie, tout simplement, il se fichait bien des détails et des conséquences de ses actes, il faisait ce qui lui plaisait. De toute manière son temps était compté, il aurait été stupide de se limiter et de ne pas s'ouvrir à tous les plaisirs de ce monde, n'est-ce pas ? Bref, toujours est-il qu'il était de mauvaise humeur maintenant que la pluie s'était chargée de l'accueillir en plein territoire Eau, et plus précisément, à la Vallée Oubliée. L'herbe était bleu verte et fraîche sous ses pattes, le ciel était gris et pluvieux et l'endroit était calme, sinistrement calme... Mais le comble, c'était qu'à présent il était temporairement privé de son pouvoir, car si on suit la logique des éléments, il aurait bien du mal à mettre le feu à quoi que ce soit avec ses griffes si l'eau qui ruisselait dessus empêchait le feu de prendre...
Mais ce n'était que secondaire et puis avec l'allure qu'avait le chasseur, il doutait que quelqu'un vienne l'aborder de toute façon, ou du moins, pas seul. De toute façon pour le faire déguerpir de force il aurait fallut au moins deux loups mâles adultes et bien portants, parce que quand Kassander avait une idée en tête, il ne l'avait pas ailleurs et il fallait plus que de simples menaces pour lui faire changer d'avis. Le grand mâle au pelage excentrique mais au combien parfaitement assortit à son caractère redressa ses oreilles et se laissa aller à la contemplation auditive des gouttes d'eau percutant le sol et au vent terrassant les branches d'arbres. Le pyromane ne s'en lassait jamais, c'était si banal et si ennuyeux que peu de personnes s'attardaient sur ce genre de mélodies de la nature, pourtant, pour peu qu'on s'y intéressait, elles étaient aussi douces que belles et mélancoliques. Rien de mieux pour apaiser les esprits tourmentés.
Le malade sentit un drôle de goût s'installer au fond de gorge et redoutant ce qui pouvait venir, il se pencha et passa sa langue sur un rocher au goût de plâtre pour le lécher et chasser temporairement son malaise. Après quoi, l'infâme goût de la pierre le contraignit à garder la langue sortie et pendante en dehors de sa gueule, sans parler de la grimace bizarre qui l'accompagnait. Il releva la tête et sortit de sous son arbre en constatant que la pluie avait cessé.
Manquerait plus que quelqu'un le trouve et vienne l'enquiquiner. Par avance, le grand mâle se laissa tomber façon carpette sur le sol humide et se plaqua les deux pattes sur la tête en grognant. Belle journée ! Il gémit pour lui même de vaines plaintes sans se douter un instant qu'elles pourraient être entendues par une âme baladeuse.
« Pfffffuh... Humide... tout mouillé... C'est horrible, je pue. »
Il se gratta la tête énergiquement avec ses griffes et resta ainsi vautré sur le sol comme un nécessiteux.
Ce matin là, quand Bosco ouvrit les yeux, emmergeant doucement des limbes du pays des rêves, il sentit le corps chaud de sa mère encore contre lui. Cette constatation lui étira discrètement les babines en un sourire franc et sincère. Il se câla encore un peu plus contre elle, heureux que, pour une fois, elle soit présente lors de son réveil, car habituellement, elle partait et laissait la nourrice du jour attendre qu'il se lève devant l'entrée de la tanière. Mais à peine s'était-il réinstaller qu'il sentit sa mère se lever et le pousser du museau pour qu'il en fasse autant. Il soupira, se disant que c'était trop beau pour être vrai, et finit par ouvrir les yeux pour voir sa mère sourire. Rien que cela lui redonna le sourire, et il se leva, s'étirant de toutes les manières possible, passant ensuite entre les pattes de sa mère, pour se câliner, un peu à la manière des chats. Puis elle sortit de la tanière, et il l'a suivit sans broncher. Lorsqu'il posa son regard sur l'extérieur le spectacle était peu enchantant, et lui donna envie de retourner bien au chaud, dormir pour le reste de la journée. Mais avec un regard encourageant de sa mère, il mit ses quatre pattes dehors, et vint se réfugier sous son ventre pour éviter le déluge qui tombait, le peu de temps qu'elle resterait encore avec lui. Et effectivement, ce fut peu, car à peine s'était-il caché sous son ventre qu'elle baissa la tête, et le regarda entre ses pattes avant, le voyant ainsi, à l'envers et finit par dire :
—Je n'ai malheureusement personne pour s'occuper de toi aujourd'hui, alors tu vas rester ici, près des tanières, sous la surveillance des loups qui restent au camps, et pitié, fais en sorte de ne pas te perdre, cette fois!
Le louveteau hocha la tête et sourit à sa mère. Bien qu'il ne veuille pas lui faire de peine, les loups qui restaient au camp étaient tous plus ennuyeux les uns que les autres, et Bosco en avait plus que marre de devoir rester avec eux. Toutes la journée, ou presque, ils ronflaient sur le sol, attendant le retour des chasseurs et des guerriers, tout ce qu'il y a de plus passionnant pour un louveteau, c'est certain... Il sentit la pluie lui mouillé doucement, mais sûrement, le pelage et tournant la tête de l'autre coté du camp, il remarqua qu'il ne voyait déjà plus que l'arrière train de sa mère adorée qui était partie au galop, le laissant là, encore une fois de plus. Il soupira, et une fois de plus, se résigna. Sa mère avait trop de "travail" avec son rôles d'alpha, et trop peu de temps pour lui, du moins, c'est ce qu'il pensait et voyait, de ses yeux de louveteau innocents et ignorant. Bon d'accord, pour le innocent, on peut le retiré, mais ignorant, c'est certain. Il prit le chemin inverse de celui qu'avait prit sa mère, et se dirigea donc vers le camp, déjà presque trempé par la pluie. Et s'il retournait au chaud dans la tanière pour y dormir toute la journée? Non, sa mère serait furieuse qu'il ne glande rien. Alors que même si ses fuguent l’énervaient un peu, elle ne l'avait encore jamais punit, car elles le rendaient plus fort, et plus endurant, et elle voulait qu'il devienne fort... Une fois arriver au milieu du camp, il en fit le tour, d'un regard, 3 loups se trouvaient là, deux femelles et un mâle, il ne connaissait aucun des trois, pour bien lui facilité la tâche de l'intégration... Il finit par s'approcher et se coucher contre le ventre d'une femelle, chassant le louveteau qui s'y trouvait déjà. Le loupiot pleurnicha et la louve le chassa à coups de crocs. Il lui mordit le museau, lorsqu'elle tenta de lui mordre la patte et en s'éloignant, il cria :
—Ma mère le saura, sois-en assurée!
Et il alla se coucher contre le flanc de la seconde femelle, qui lui, était libre. Elle ne l’accueilli pas à bras ouvert, mais ne le chassa pas non plus. Il resta un moment, profitant de la chaleur de la femelle, sans parler, ni bouger, ni même lui rendre les sourires qu'elle lui adressait de temps à autre. Après un moment, il se lassa qu'elle ne fasse que le regarder toutes les deux minutes pour lui sourire et se releva pour s'en aller. Le petit loup s'ennuyait ferme, alors que ça faisait à peine une heure que sa mère était partie. Il s’approcha du mal, et lui sauta dessus, pour jouer. Le mâle grogna et l’éjecta par terre d'un coup de patte bien sentit. Le petit loup se redressa aussi sec et lui sauta dessus, cette fois férocement, lui mordant l'oreille le plus fort qu'il put, refusant de lâcher, quel-qu’en soit le prix. Le loup se leva et secoua la tête, le petit loup finit par se faire éjecter par la force d'attraction et attérit contre une pierre, lâchant un bref "kaï" alors que le loup lui fonçait dessus, furieux. Le loupiot se redressa et bien camper sur ses pattes, attendit le loup qui faisait au moins trois fois sa taille. Lorsque celui-ci fut tout proche, arrivant au galop, Bosco sauta sur le coté, et le lout se prit la pierre en pleine face, lâchant à son tour un couinement de douleur, plus fort que celui du loupiot. Celui-ci se roule par terre sur le sol, écrouler de rire par la stupidité du loup :
—Je peux pas croire que ma mère accepte une telle incompétence!!!
Puis voyant le loup se relever et lui foncer dessus, il fila dans la seul direction possible, le camp. Il galopa, de toute la vitesse que ses petites pattes le lui permettait, il sauta par dessus la louve à qui il avait emprunter un peu de chaleur pendant près d'une heure, la boue de ses pattes coulant sur sa fourrure, la salissant. Elle se leva, furieuse et s'engagea elle aussi à sa poursuite. Il passa ensuite vers la louve accompagnée de son louveteau. Il ne réussit pas à voir ou se trouvait la boule de poil, et ne la vit que trop tard, la percutant de plein fouet. Lui, reprit sa course rapidement, la mère, folle de rage, et plus haut gradé que l'autre femelle, lui ordonna de surveillé son marmot et suivit la petite terreur. Bosco continua de courir, la boue ralentissait tout le monde, mais les loups adultes étaient plus lourd, et donc s'enfonçaient plus que lui, ce qui lui permettait de garder sa légère avant. Il aperçut enfin le début de la vallée oubliée et redoubla d'efforts. Les deux loups étaient à présent loin derrière lui, mais il les voyait encore, et ne voulait pas risque de se faire attraper. Il continua son galop éfreinée à travers la vallée. Les loups avait abandonnés, il les avait vu s'arrêter et faire demi-tour pour retourner au camp. Il ne regardait pas ou il allait, quand soudain il percuta un gros truc, il s'envola par dessus ce fameux gros truc, accomplissant une culbute et se retrouvant le nez dans la boue, à glisser sur plusieurs centimètre, l'arrière train suspendu en l'air, au dessus de sa tête...
Il finit par retomber sur le coté, et se releva, crachant la boue qui se trouvait dans sa gueule, il se retourna pour voir ce qu'il avait percuté. Un loup, un loup couché au beau milieu du chemin en train de se gratter la tête avec ses pattes qui se trouvaient au dessus... Le loupiot, fidèle à lui-même lui lança :
—Tu peux pas aller dormir ailleur non, grosse patates jaune et blanche!!!!
Oui, Bosco avait été vexé dans son amour propre par cette chute pour le moins spectaculaire, et le loup en subissait un peu les conséquences, car dans la tête du loupiot, c'était totalement la faute du loup adulte, et non la sienne.
« Attends un peu que j't'apprenne à respecter les plus vieux, morveux ! »
Donc, Kassander était toujours vautré sur le sol comme un vieux tapis tout miteux et tout empilé sur lui-même. Et il se croyait vraiment tranquille ainsi couché sur le sol boueux et mouillé, toute sa fourrure ventrale était à présent souillée, mais il aimait sentir la fraîcheur de la boue contre lui. C'était peut-être bizarre pour les autres, mais lui, il aimait ça et tant pis si ça pouvait paraître décalé à certains. Ses iris oranges braisées fixaient un point invisible à l'horizon pour l'instant, puis tout en fixant le loin, le mâle bougonnait des choses sans queues ni têtes à propos de fichues grandeurs de territoires, fichus clans, fichus chefs, fichue guerre, fichue pluie, fichus écureuils et fichue envie de vomir. Le loup ouvrit la gueule en sentant venir le vomissement, mais un mini-choc contre son flanc lui fit passer cette envie désagréable. Il releva la tête par réflexe et l'orienta dans un premier temps vers son flanc où il n'y avait rien, puis de l'autre côté où une petite boule de poils gisait dans la boue, postérieur en l'air. Incrédule, le pyromane fixa la petite chose avec des yeux ronds.
Puis le postérieur de la petite chose en question retomba dans la boue en obéissant bien sagement aux lois de la gravité, puis la petite chose se releva en crachouillant de la boue. Entre temps, le grand costaud aux allures de détraqué avait reprit sa position couchée avec ses pattes sur la tête et tandis que le petit remarquait enfin sa présence, il entreprit de commencer à se faire un massage crânien avec ses griffes... qu'il interrompit brusquement pour rétorquer avec humeur à la remarque déplacée du morveux.
« Une patate jaune et blanche ? Dis donc sale gamin, si tu ne me parle pas meilleur dans les cinq secondes, j'te botte le cul. »
C'était sans appel, et il savait qu'il le ferait. Kassander arqua un sourcil et se releva lentement en étudiant attentivement l'étrange boule de poils qu'il venait de faire voler pour un aller simple à Boueland. Le petiot n'avait pas l'air content, ça tombait bien parce que le pyromane n'était pas content non plus. Néanmoins il ne poursuivit pas sur sa lancée agressive.
« Tu ne t'es pas fais mal ? T'as plutôt de la chance que c'était moi et pas un tronc renversé, la chute aurait été plus douloureuse. »
Il était culotté de dire ça alors que c'était lui qui s'était couché en plein milieu du chemin, mais si vous croyez qu'il allait admettre ses torts, vous vous enfoncez le doigt dans l’œil. Le mâle soupira et se recoucha, légèrement radoucit. Puis il fixa le jeune inconnu avec curiosité, ce gamin venait de la tribu de l'eau ? Que faisait-il seul si loin du repère de son clan et sans nourrice ? C'était dangereux, il pourrait faire une cible de choix pour les loups ennemis mal intentionnés. Fort heureusement Kassander n'en était pas un, il était juste mal embouché, mais ça, c'était une autre histoire.
« C'est quoi ton nom, canaille ? »
Lui ne se présentait jamais en premier, il était en territoire potentiellement ennemi donc il valait mieux éviter. Bien qu'il s'en fichait, pour l'instant il n'était pas encore suicidaire, et le petit ne semblait pas encore avoir remarqué que Kassander n'était pas d'ici. Ce dernier n'avait pas envie de se prendre la tête, il attendrait voir si le gamin allait donner l'alerte ou pas, s'il ne le faisait pas, il était bien tenté de l'enquiquiner un peu pour passer le temps...
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