Je tenais bon. Il ne fallait pas que l'ours reporte son attention sur Prilla, que je voyais fuir. Mais, quelques secondes plus tard, je la vis revenir vers nous. Mais que faisait-elle, bon sang de bois?!

Euh, oui, c'était une bonne tactique pour attirer l'attention d'un monstre de 3 mètres de haut qui pouvais vous éclater la tête en un coup de patte. LA solution pour mourir. Mais pas vraiment celle pour se sauver.
Et alors que je me disais qu'elle était une parfaite idiote d'être revenue ici, je senti l'ours moins se démener contre moi. En regardant vers le bas, je remarqua que je m'étais approché du sol. Euh... Il se passait quoi, là? C'est alors que je vis que les pattes arrières de l'ours étaient enfoncées dans le sol. La bonne idée! Avec ça, on est tranquilles un bon moment!

-Quicksilver ! Chez toi !

Euh, ça, ça doit vouloir dire 'On se rejoint chez toi, et grouille-toi.' Bon, d'accord.

Je descendis alors de l'ours, mais en sautant à terre, je ne fis pas attention à ses pattes avants, et d(un revers de la patte droite, il me propulsa contre un arbre, que j'heurta de plein fouet sur le côté droit. Pu*ain, ça fait mal!

Je me releva en grognant, et me dirigea vers ma tanière en claudiquant. En y arrivant, je me laissa tomber à terre juste à l'entrée, ne trouvant pas la force de m'y enfoncer jusqu'à mon lit. 

Mais qu'est-ce qu'elle racontait? Depuis que je me suis laissé tomber dans ma grotte, moi, je suis dans les vapes. Je ne comprend plus rien, là. J'ai juste senti quelqu'un me faire lever, et m'amener là où je dors, vers le fond de la grotte. Mais qui étais là? Attends .. Ah, oui, la louve de tout à l'heure, Prilla, c'est vrai. C'est elle qui allais se faire démonter par l'ours. Si j'avais su, je n'aurais rien fait. Et puis, mon épaule me faisait un mal de chien!

Ha ben ça, vu mon état, ça risquait pas. Je ne parviendrai même pas à bouger la patte. Et me lever relèverais de l'ordre du miracle.

Tout à coup, je senti un liquide sur mon corps. Je tenta de regarder, et parvint tant bien que mal à voir la louve laver mes plaies et m'enlever une belle série d'échardes. Je devais ressembler à un gruyère trop troué, vu le nombre de petits morceaux de bois entassés un peu plus loin.

Puis elle me lava à nouveau, et me fis boire. Enfin! De l'eau fraîche! J'en avais bien besoin. Je pus donc boire de tout mon soul, puis elle recommença à s'activer sur mon épaule. Mais c'était bon, là. Y avait plus rien, elle pouvait arrêter maintenant! De toute manière, demain, je suis de nouveau d'attaque, et je retourne terminer cet ours! Pas question de le laisser traîner près de chez moi!

Je senti la louve se coucher près de moi. Elle devait commencer à fatiguer, elle aussi.

Mais qu'est-ce qu'elle disait, encore? Elle pouvait pas changer de disque? Je voulais dormir, moi! Pas l'entendre se plaindre!

Finalement, ça devait être son dernier mot, car après ça, je n'entendit plus rien. Tant mieux, je pourrais enfin me reposer! Je guérirais plus vite encore, comme ça. 

Je réussi finalement à atteindre un état de demi-sommeil, car ma blessure me faisait trop mal pour dormir complètement. Je devrais me contenter d'un repos moyen, pas vraiment de quoi récupérer. Mais bon, c'est mieux que rien, on fait avec ce qu'on a. Je passa donc la nuit entière les yeux à moitiés fermés, à maudire cet ours de malheur qui m'avait fait souffrir, et à observer les étoiles que j'apercevais du fond de ma tanière dans l'espoir de me distraire de ma blessure. Je resta donc ainsi sans bouger, sans parler et sans dormir durant plusieurs heures.

C'étais déjà le matin. Le soleil se levais et les étoiles disparaissaient une à une. La nuit avait passait vite. Je n'avais pas eu le temps de m'ennuyer.

Alors que je me réveillais complètement, je sentis Prilla, couchée à côté de moi, se lever et commencer à s'étirer. Puis, je la vis sortir à l'extérieur de la grotte, a la recherche de je ne sais quoi. Enfin bref, elle pouvait bien allait où elle voulait, c'était pas mes affaires. Quoi que, elle devrait quand même faire gaffe à l'ours, qui devait encore être dans les parages.

Elle revint finalement quelques minutes plus tard, deux lapins dans le gueule, pendus par les oreilles. Il fallait le reconnaître, elle était pas mauvaise chasseuse. Elle me posa alors le plus gros des deux lapins devant le nez. Qu'il sentait bon! Et il était encore chaud! Je le mangea en un rien de temps, n'en faisant qu'une bouchée.

Quand j'eu finis, elle sortit à l'extérieur pour manger le sien. Ben quoi, j'étais pas de bonne compagnie? 

Bon, il fallait que je me lève un jour. Le problème, c'est que quand je me mis sur mes pattes, je tiens en équilibre un bon moment avant de réussir à avancer une patte, qui me fit souffrir tout le long de mon corps. Mais je continua à avancer, jusqu'à atteindre une zone herbeuse devant ma tanière, et de m'y laisser tomber à nouveau. Je ne me sentais vraiment pas de me remettre debout pour le moment, alors autant prendre le soleil sur un coin confortable.

Je remercia Prilla qui étais à côté de moi, en détournant le regard, un peu honteux de m'être fait avoir par cet ours. Et cette pensée m'avais fait parler sur un ton assez désagréable à la louve qui m'avait soigné. J'allais devoir attendre un moment avant de pouvoir remarcher sans avoir mal. C'est bien le genre de truc qui me rendait furax.
Alors que j'étais encore en train de m'apitoyer sur mon sort, j'entendis des bruits dans les fourrés devant nous. Je n'eu pas le temps de me lever, chose que je n'aurais peut-être même pas réussie, qu'un grand loup blanc apparu. C'était indéniablement un mâle guerrier, vu sa taille et ses muscles. Et même si je ne le connaissais pas, il avait l'odeur du clan. Je me demendais quand même ce qu'il faisait ici. Personne ne venais par chez moi, habituellement.

-Bonjour mademoiselle, dit-il en s'adressant à Prilla. Quel agréable journée pour se balader. Me feriez-vous l'honneur de m'accompagner dans ma promenade?, continua-t-il en s'inclinant devant elle.

Ce loup possédait une voix suave et sensuelle. Très agréable à écouter pour les louve, très agaçante pour Quicksilver, qui grognait envers cet intrus qui s'introduisait dans son territoire.

Prilla était partie avec ce loup sans manières qui s'était introduit chez moi, sans y être invité. Bon, c'est vrai qu'il avait l'air super musclé, qu'il avait une voix assez envoûtante (pour les louves, hein, pas pour moi!!), et qu'il paraissait savoir très bien parler aux filles, mais il avait aussi l'air plus bête que ses pattes, et ça, faut vraiment être idiot pour y parvenir! Enfin bref, l'important c'est qu'après son arrivée, l'autre louve était partie avec lui, donc moi j'étais tranquille pour un moment.

Enfin, c'est ce que je croyais, avant d'entendre Prilla hurler comme si elle avait vu un fantôme. Alors moi, en parfait héros incompris, je m'étais bien évidemment dépêché de rejoindre ce joli couple. Euh.. dépêché était peut-être un grand mot, vu que j'avais mis une bonne dizaine de secondes à me lever, et que je les avaient rejoints en claudiquant, et qu'une tortue avait réussie à me dépasser.

Mais au final, je parvins enfin à les rejoindre, et je vis l'ours de la veille qui m'avait blessé, et que Prilla avait emprisonné dans la terre. D'ailleurs, ses pattes arrières dépoilées et sanguinolentes attestées qu'il avait fourni un effort monstrueux pour se libérer. Je crois que c'est en les voyants que je pris la bonne résolution de ne pas fâcher Prilla afin de ne pas finir enfermé dans le sol.

Enfin, passons. Il y avait du combat dans l'air, et je ne voulais pas manquer ça. Le loup blanc était déjà en train de sauter sur l'ours... sur son dos.... comme moi hier..... euh, il allait se retrouver bloqué, là, comme moi hier. Du dos, on ne pouvais pas faire grand chose. De toute manière, je n'avais pas l'intention de l'aider, alors inutile de commenter son combat. S'il voulait finir balancé par l'une des pattes de l'ours, c'était son problème. Surtout que la douleur que ce dernier devait ressentir dans ses pattes arrières le rendait encore plus fou qu'avant. Il bougeait tellement qu'il allait finir par détruire tout les arbres aux alentours, chose qu'il avait bien commencée pour le moment, avec  cinq troncs déracinés par ses griffes. C'est qu'il était très fort, le méchant nounours.

Je m'étais peut-être levé de la patte gauche ce matin, mais je n'allais pas laisser ce monstre détruire ma forêt. Ha, et non plus tuer le loup blanc, au passage, ça pouvait toujours être utile. Alors, jouant les héros, je mordis l'une des pattes arrières de l'ours, prenant soin de rester dans son dos, l'endroit où il étai pour lui le plus difficile de m'atteindre.

Mais attention, qu'on ne se trompe pas: je en faisait pas ça pour aider le loup blanc, mais seulement pour empêcher l'ours de détruire la forêt. Et puis, j'avais ma revanche d'hier à prendre. Il m'avait détruit l'épaule, j'allais lui détruire la cuisse. Oeil pour oeil, dent pour dent!

J'étais en train de ordre la cuisse de l'ours, quand je sentis celle ci descendre. Sous le coup de la surprise, je la lâcha d'u coup et m'éloigna, voyant alors ce dernier s'enfoncer dans le sol, encore plus profondément que la veille. Apparemment, Prilla ne devait pas être de très bonne humeur. Ça se comprenait, elle venait de rencontrer un loup qui devait s'estimer être le plus beau de la meute, partir en promenade près de la rivière, et son moment de bonheur venait d'être gâcher par un monstre de 3 mètres, qui était censé être reparti hier très loin dans ses montagnes. Franchement, il y avait de quoi être assez énervé. Et moi, je crois que je vais attendre un peu avant de l'approcher, on sait jamais. Je tiens quand même à garder la vie.

Je vérifia ça, et lui répondit d'un hochement de tête affirmatif. C'est bon, rien de nouveau. En revanche, le loup blanc avait l'air d'avoir un peu mal au dos. Il s'était allongé un peu plus loin, et ne semblait pas vouloir se relever. Faut dire aussi, l'ours l'avait tellement brinquebaler de partout, qu'il avait du l'écraser contre un arbre. Alors évidemment, le mal de dos se comprenait.

Faut le dire, j'étais assez bougon. Je ne supportais tout simplement pas la présence de cet autre mal près de chez moi. En plus, il était venu juste devant ma tanière, avait embarqué Prilla, et était reparti sans même faire un signe dévoilant qu'il s'était rendu compte de ma présence. En fait, il m'avait tout simplement ignoré. Alors évidement, maintenant confortablement couché sur un joli paquet de feuilles et de mousse, je lui lançais un regard noir aussi assassin que possible. Si mes yeux pouvaient tuer, il serait déjà mort une bonne trentaine de fois, je crois. Ou peut-être un peu plus.

-Je peux rester avec toi? Celui ci est une tapette.
Prilla vint alors s'assoir en face de moi. Franchement, moi aussi j'avais un peu de mal à tenir debout, là. Mais bon, inutile de le préciser. Elle me fit alors un sourire assez étrange. Apparemment, elle était contente. Tant mieux pour elle, moi j'avais juste mal à l'épaule. J'avais à peine réussi à prendre un semblant de vangence. Enfin, j'avais encore mal, alors on allait pas trop forcer, et ça devrait aller.
Espérons-le.

-Fais ce que tu veux. M'en fiche. lui dis-je dans un souffle en posant ma tête sur mes pattes avants.

Maintenant, je comptais bien me repaître du spectacle de cet espèce de frimeur tout cabossé, et incapable de se relever. C'en était ridicule.
Puis je repensa à l'attitude de Prilla... Quand ce loup est passé devant chez moi, tout beau tout fort, elle le suivait en bavant. Maintenant qu'il s'est fait démonter par un ours, elle le fuis comme la peste. C'est bizarre: quand moi l'ours m'a détruit l'épaule, elle m'a même soigné. Pourquoi elle fait pas pareil avec lui? Les louves sont vraiment des êtres compliqués! Je n'arriverais jamais à les comprendre.
En pensant à cela, je regardais justement Prilla. Cette interrogation était trop présente, fallait que la sorte. Il fallait que je sache pourquoi.

-Pourquoi tu le soigne pas? Moi tu m'as bien soigné.

-Devine !

Je lui avait juste demander pourquoi elle le soignait pas... Je n'avais rien dit de mal, quand même! Et elle, elle me répond assez méchamment, et s'enfui en courant. Mais qu'est-ce que j'ai dit, encore? Ça en devient désespérant!
Moi, bien sur, en pauvre mâle insensible, je ne la suivie pas dans se course. Et puis, je ferais quoi, si je la suivait? Rien, car je saurais pas quoi faire! Alors, autant prendre son temps.
Je me releva donc tranquillement en m'étirant, et je marcha jusqu'à la rivière, vers l'endroit où Prilla se baignait. Je ne marcha pas vite, et je pris mon temps. Ce qui fit que je mis deux fois plus de temps que nécessaire pour la rejoindre. C'était quand même un peu beaucoup. Mais une fois arrivé à son niveau, je me coucha sur la rive, et la regarda. L'eau rouge allait très bien avec la couleur brune de son pelage, et cela faisait ressortir ses yeux bleu. J'avais l'impression de la redécouvrir.
Non, en fait, je venais seulement d'ouvrir les yeux sur elle. Avant, je détournais le regard, ou je regardais mes pattes. C'était la première fois que je la regardais telle qu'elle était: une louve seule, et non juste un membre de mon clan. C'était la première fois que je regardais quelqu'un ainsi.
C'était aussi la première fois que quelqu'un me montrait de l'intérêt, pas en tant qu'espion du clan, mais en tant que loup. Avant, jamais personne ne m'avait adressé la parole comme Prilla l'avait fait, afin de s'enquérir de mon état de santé, ou juste pour parler, comme ça. Personne ne m'avait jamais soigné comme elle l'avait fait, aussi.
Et pour toutes ces choses là, je portais un regard différent sur Prilla.
Je rentra alors dans l'eau à mon tour, vint à côté d'elle, et lui parla d'une voix sans rage ni haine.

-Je n'ai peut-être pas deviné, mais je pense être sur la voie.

Oui, après tout, je n'avais pas trop compris son 'devine', mais tout ce qui c'est passé entre hier et aujourd'hui doit en être pour quelque chose. Alors, peut-être que je trouverais plus tard. Si elle me le permet, car le courant de la rivière va finir par m'entraîner si je ne bouge pas bientôt.

Je venais à peine de rentrer dans l'eau, qu'elle me poussait déjà dehors. Ben quoi? J'ai pas le droit de prendre un bain, moi aussi? Blague à part, c'est vrai que mon épaule commençait à me faire un peu mal. Enfin bon, je n'allait quand même pas l'admettre devant elle.

Euh... Ça faisait beaucoup de 'Tu aurais pu' en une seule fois. Mais comme le dit le proverbe: ''Avec des 'tu aurais pu', on mettrais un clan en bouteille!'' Enfin, façon de parler.

Elle s'était abaissée, et avait posée la tête contre mon torse. C'était un contact que je ne connaissais pas. Jamais personne n'avait posé sa tête contre mon torse. Avant que je n'ai le temps de réaliser ce qui se passait, elle s'en alla pour finir de se laver. Puis, elle alla se coucher un peu plus loin de la rive, sur un bon tas d'herbes. Et moi, je resta planté là, comme un idiot, sans bouger. Je senti alors quelqu'un me mordre l'oreille, ce qui me fit sursauter, et je Prilla à côté de moi. Je ne l'avais même pas vu revenir. Mais elle retourna se coucher. Alors, je la suivie et me coucha devant elle.

Sa question me surpris. Répéter ma phrase? Heu... Moi, j'avais juste dis ça sur un coup de tête. Elle n'avait pas vraiment de sens. Enfin, si, mais seulement pour moi. Elle ne devait rien dire, formulée ainsi.
Je ne savais plus ce que j'avais dis, moi. On peut pas répéter une phrase lancée sur l'instant, sans construction ni sens particulier. Enfin bon, Prilla allait devoir se contenter de ça. Moi, je devais faire une tête d'idiot. Je ne comprenais toujours pas pourquoi j'avais dis ces mots tout à l'heure, dans la rivière.

-Euh... Je ne sais plus. Pourquoi? C'était une phrase sans aucun sens, elle ne voulait rien dire.

Sur ces mots, je me relava et m'éloigne de Prilla. Je m'assis alors sur la rive de la rivière, et regarda le soleil qui était maintenant à son zénith. Je remarqua alors que mon ventre gargouillait plus qu'il n'avait jamais gargouiller. J'avais super faim, avec toute ces émotions de la matinée! Je retourna près de Prilla, et lui dit:

-Je vais chasser. Je reviens.

Je m'enfonça alors dans la forêt, et revins quelques minutes plus tard avec un faon. J'avais pas pu en attraper plus, à case de mon épaule, mais ça devais suffire. Je le déposa devant la louve, et l'invita à manger. J'espérais intérieurement que ce repas lui ferait oublier sa question, à laquelle je ne souhaitais pas tellement répondre.

Alors que je venais de lui ramener un succulent faon, Prilla n'en prit pas une bouchée. Ben quoi? Elle aimait pas le faon?

Sur ce, elle se leva et commença à partir sans me laisser le temps de répondre. J'avais fais une bêtise? Franchement, je ne comprenais plus rien, moi. Un coup elle ma faisait la tête car je n'étais pas là, et un autre elle partait sans même me regarder. Fallait savoir ce qu'elle voulait, à la fin! Ça devenait vraiment agaçant!

Je me dépêcha alors de la rejoindre, et me mis en travers de son chemin, afin de lui barrer la route. Son manège commençait à me taper sur les nerfs, et je crois que ça se voyait assez sur mon visage et dans ma voix.

J'avais lâcher ça d'un coup, et franchement, ça faisait un bien fou! Je m'en sentais presque libéré. Je ne pensais pas que faire ressortir sa colère ainsi permettait de l'exterminer. Si je l'avais su, je l'aurais fait depuis longtemps! Et puis, ça faisait un moment que Prilla me faisait tourner en bourrique, alors il était temps que ça cesse définitivement.
En disant ces paroles, j'étais près à partir en courant en fonction de la réponse de Prilla, que j'attendais impatiemment, en tremblant un peu, même. J'étais comme terrorisé par sa réponse. Comme si elle revêtait un caractère spécial, un tournant pour moi. C'était le moment de faire un choix dans ma vie, et si ce n'était pas le bon, j'en paierais les conséquences un long moment. De ça, je pouvais en être sûr. Le reste n'avait plus aucun sens, seul les mots de Prilla existaient pour le moment.

Euh... ça faisait beaucoup d'un coup, là. Quand elle dit avoir voulue me rendre jaloux, je pensa que c'était peine perdue, je ne sais pas comment on fait pour être jaloux. Je sais même pas ce que c'est, en fait. Mais, quand elle dit qu'elle me voulait près d'elle et qu'elle n'était pas 'indifférente' à moi, mes oreilles tiltèrent et se dressèrent d'un coup. Ça, je connaissais, ma mère m'en avait parlé, une fois. Si je me souviens bien, quand une louve le dit, ça signifie qu'elle t'aime bien. Enfin, plus que bien, mais moi, je peux pas. Je connais pas. C'est vrai que j'avais eu envie de rester près d'elle, moi aussi. Mais... cette envie... restera-t-elle à jamais? Ou disparaîtra-t-elle? 

Je m'approcha d'elle, et lui lécha les larmes qui coulaient sur ses joues. 

J'avais parlé doucement, tentant de la réconforter. J'étais pas doué pour ça, mais je pouvais quand même essayer. Je savais que Prilla ne serait pas heureuse avec moi, j'avais depuis trop longtemps abandonné mes sentiments. Je n'avais qu'un but, celui de tuer le clan de l'air, et au passage de dominer Estryä. Je ne vivait que pour ça depuis tant d'années... Depuis que mon père m'avait était ravi par ce guerrier de l'air.

J'avais tout abandonné. Mes sentiments, ma famille, ma vie. Je ne désirai pas m'attacher à quelque chose, ou à quelqu'un qui m'empêcherai de partir. Mais, là, c'était différent. Je m'étais toujours dit: 'Évite-les, ce ne sont que des louves à problèmes', mais une fois devant Prilla, quand elle avait eu peur de l'orage, que l'ours l'avait attaqué, qu'elle était allée se baigner, je n'étais pas parvenu à l'éviter. Je n'y arrivais pas.

Ces mots étaient sortis d'eux-mêmes durant mes réflexions. Je ne les avaient pas vraiment prononcés pour elle, mais plutôt pour moi même. Elle les avait sûrement entendus, mais je m'en fichais. J'étais démoralisé, et plus rien ne comptais.

Ce que je ressen? je n'en savais rien... Après tout, comment pourrais-je ressentir quoi que ce soit, moi qui ne suis plus que l'ombre d'un loup qui autrefois connaissait l'amour.

Elle voulait rester près de moi... C'est tout ce que je retenais de cette phrase. Pourquoi? Pourquoi une louve comme elle s'approchait d'un loup comme moi, qui ne pouvait lui offrir ce qu'elle voulait, alors que tant d'autres ne demandaient que ça.

Qu'en dis-je? Absolument rien... Je resta silencieux un long moment... Que pouvais-je lui dire? Je ne sais pas aimer? Va voir un autre loup qui te donnera ce que tu recherche? Je ne t'apporterais que le malheur? Non, je ne pouvais pas lui dire ça, elle rayonnait d'espoir, je ne pouvais pas la briser ainsi... Mais, je ne pouvais pas non plus me mentir à moi-même. Je devais le lui dire. De toute manière, elle allait bien le savoir un jour ou l'autre, alors, autant se débarrasser de ça aujourd'hui.

Je me tenais droit devant elle, et j'étais très sérieux. Je l'accepterais si elle m'acceptais, mais pour cela, elle devra renoncer au bonheur d'un foyer, à l'amour brûlant d'un couple, et surtout, à mon amour. Elle m'accompagnera sans sentiments, ou elle ne m'accompagnera pas. Tel est mon fardeau. Et il est bien lourd à porter pour les épaules frêles d'une louve recherchant l'amour d'un loup. Je suis condamné à rester seul, et cela pour bien longtemps. Je m'y étais habitué, mais une louve ne s'y habituerais sans doute jamais.
Après avoir dis ces mots, je m'approcha d'elle et posa ma tête sur son épaule. Je devais arrêter de me mentir à moi-même: c'est là que j'étais bien, et non pas dans ma grotte, seul et isolé de tous. Je voulais qu'elle me suive. Je ne pourrais pas supporter qu'elle parte.
En fait, je possédais encore des sentiments. Ils n'avaient pas disparus. Ils étaient là, à la surface, attendant juste que quelqu'un vienne pour les réveiller. Je redécouvris alors la sensation de chaleur que nous procurait l'amour, ce sentiment si intense, si puissant, si agréable... Je l'avais oublié depuis si longtemps, que je ne m'étais pas rendu compte qu'il me manquait.

J'avais posé ma tête sur ses epaules dans un mouvement instinctif. Mais je n'avais pas envie de l'y enlever. Quand Prilla rapprocha son buste du mien, je sentis la chaleur de son corps faire fondre les ruines d'un mur de glace que j'avais bâti autour de mon coeur il y a de cela bien longtemps. Les battements de son coeur entraient en moi comme etant la plus douce et la plus parfaite des mélodies. Je n'avais jamais rien entendu d'aussi beau et d'aussi parfait. J'étais aux anges. Il n'y avait pas d'autres mots. Quand elle s'eloigna de moi, son contact me manqua. Il me manqua terriblement, douloureusement. Je crois que c'est à ce moment, et avec les mots qu'elle prononça, que je pris conscience d'une chose importante: on ne peut pas se couper de ses sentiments. Un jour, ils nous rattrapent, et là, on se rend compte qu'en réalité, ils ne sont jamais partis: ils étaient toujours présents, attendant juste le bon moment.

-On rentre? Je suis fatiguée.

Il est vrai que le soleil commençait lentement a descendre sur l'horizon, et que la journée avait été bien remplie. Mais j'avais peur de rentrer, peur qu'une fois ce moment parti, elle ne veuille plus de moi. Si je le lui disait, elle me trouverait sûrement idiot de penser ça, alors je garda mes pensées pour moi. Je préférais penser à un avenir à deux, plutôt qu'à un futur seul. Et cela me fit sourire. Je n'avais jamais envisagé un futur a plusieurs. J'avais peur, et j'étais excité en même temps. Et surtout impatient. Alors, quand je plongea mon regard dans les yeux de Prilla, je fus heureux d'y découvrir toute la gentillesse du monde, et tout l'amour qu'une louve est capable de donner.

-Prilla, je t'aime.

Je n'avais pas dis ces mots depuis si longtemps... J'étais heureux de savoir que j'étais encore capable de les dire. Je colla ma truffe contre celle de Prilla, et resta ainsi quelques secondes. Puis je recula, en lui léchant la joue au passage. Je me plaça alors face à elle et mima une pitoyable révérence.

-Me feriez-vous l'honneur de partager mon humble demeure?

Et sans même l'attendre, je m'engagea sur le chemin du retour, me retournant pour l'attendre avant de pénétrer dans la forêt. J'étais heureux, et je voulais que tous le sache.