Un, deux, trois flocons, qui tombent doucement du ciel grisâtre, sombre, pour se joindre lentement à la couche de neige qui recouvrait déjà le sol depuis plusieurs jours, voir semaines. Cela changeait un peu du vent, et donnait une ambiance légèrement moins froide, un peu plus féerique. Si cela avait été le matin, les loupiots se seraient précipité dehors, le regard rempli d'émerveillements pour s'amuser toute la journée sur le regard attentif de leurs nourrices. Sauf que ce n'était pas le matin. Ni l'après-midi. Ni le soir. Mais la nuit, éclairée par cette lune pleine et ronde et pleine dont une petite partie était recouverte par quelques nuages longs et illuminés par les étoiles et les flocons tourbillonnant jusqu'à toucher le sol. C'était une belle nuit, une très belle nuit d'hiver, et Amaryllis était la seule à pouvoir profiter de ce spectacle, la seule en dehors de sa tanière dont les yeux étaient ouverts, rivés, sur la voûte céleste avec ce léger sourire qui lui était caractéristique. Tout le camp était endormi, on entendait la respiration des guerriers, chasseurs, nourrices et louveteaux et rien d'autre. Et l'adolescente était seule, seule à voir ce paysage époustouflant riant de ces idiots qui échappaient à une telle merveille.

Elle resta une bonne demi-heure, sa tête grise levée vers le ciel, jusqu'à ce que les flocons s'arrêtent de tomber du ciel, ce qui eut comme conséquence de la faire quitter de sa contemplation. Amaryllis se leva en s'ébrouant pour faire partir la fine couche de neige qui l'avait recouverte pendant ces trente minutes sans bouger. La jeune louve s'étira silencieusement les pattes qui s'étaient légèrement engourdies et regarda sa tanière en fronçant le museau. Elle n'avait aucune envie de dormir il ne lui restait donc qu'à faire une petite promenade. Telle une ombre, l'adolescente des hurlements de l'air quitta donc les tanières, souriant en voyant tous les corps endormis de ses camarades de clan, songeant que si une autre meute décidait de les attaquer, ils auraient de bien drôles de têtes pendant qu'elle serait à paresser sur le territoire. Les dernières tanières disparurent dans la nuit, tandis que ses pas la guidaient vers le Lac d'Argent.

Magnifique. C'était le mot qui était venu à l'esprit de l'adolescente en voyant l'étendue d'eau illuminée par les étoiles et la pleine lune. Assises face à cette grande flaque, la queue ramenée devant ses pattes, elle contemplait cette onde aqueuse qui n'avait pas gelé, à son plus grand étonnement. Amaryllis venait souvent ici, pour se reposer et chanter à ses instants perdues. Elle ferma les yeux  inspirant une grande bouffée de cet air pur mêlant l'odeur de la neige fraîche et celle de l'eau. Ce lieu était parfait, calme, apaisant, magnifique, silencieux... Enfin silencieux, jusqu'à ce que des branches se mettent à craquer bruyamment, semblant résonner trop fort aux oreilles de la louve grise. Elle soupira, et tourna nonchalamment sa tête grise. La nuit était trop sombre, elle ne voyait rien mais devinait sans mal qu'il y'avait quelqu'un. Ce fut donc d'une voix méprisante qu'elle dit :

"Tu me veux quoi toi ?"

Elle était venue ici pour se reposer seule et voilà qu'elle était dérangée par un abruti qui ne savait que faire et avait donc décidé de venir la faire ch*er. Grondant légèrement, Amaryllis se retourna complètement le regard méprisant, la mine fermée, sa queue fouettant l'air avec agacement. Ce lieu magique était soudain devenu trop bruyant et trop sombre pour elle, puisque l'adolescente ne voyait pas son interlocuteur mystère. Sifflant entre ses dents en relevant sa tête avec véhémence les yeux légèrement plissés, ce fut d'une voix venimeuse et froide que la jeune louve s'exclama à nouveau :

"Sors de l'ombre imbécile que je puisse te voir !"

C'était une louve, plutôt de petite taille. Elle était sortie de l'ombre, permettant à la jeune louve de la détailler plus amplement. Son pelage très clair hésitant entre un doux rose et le beige était encadré par deux ailes d'un rouge grenat qui étaient repliées sur son dos. Une épaisse mèche de la même couleur que ses attributs d'oiseau barrait son front et ses grandes oreilles étaient bien droites, comme à l'affût de n'importe quel bruit. Elle portait sur son visage cette naïve gentillesse des louves qui donnaient plus qu'elles ne recevaient, le genre de louves qui avaient le don d'exaspérer Amaryllis, elle qui les trouvait stupides. L'adolescente, toujours ses yeux plissés et ses oreilles rabattues en arrière, agita son museau, humant l'air, essayant de deviner le clan de cette louve. Elle n'était pas des hurlements ça, c'était certain. L'adolescente discerna les fragrances cendrées des Crocs du Feu, cette même odeur que portait Okana, ou encore l'autre chasseur... Blackfury ? Peut-être, elle ne s'en souvenait plus et s'en fichait. En tout cas, ce dont la jeune louve grise était sûre, c'est que cette louve n'avait rien à faire ici et qu'elle venait de perturber sa promenade nocturne. Elle soupira, elle qui voulait rester seule, on pouvait dire que c'était rater.

"Désolée... Juste pour savoir toi aussi tu es venue ici pour admirer ce sublime paysage ?"

Amaryllis arqua un sourcil. Elle rêvait ou cette louve essayait vraiment de sympathiser avec elle ? Pauvre enfant ! C'est bien ce qu'elle disait ! Ce genre de louve aimait se faire ami-ami avec tout le monde ! Quelle naïveté ! Quelle... Stupidité ! L'adolescente ne pût s'empêcher de pousser un ricanement, le sourire aux babines, les yeux brillants. Et voilà qu'en plus de cela cette louve s'installait à côté d'elle comme-ci elles étaient deux grandes amies ! Sentant son pelage frôler presque le sien, Amaryllis eut un frisson et elle s'écarta aussitôt, foudroyant la louve du regard  avant de s'installer un peu plus loin, donnant des coups de langues rapides à son pelage. Reportant son attention sur la louve, retrouvant son sourire en coin, elle déclara d'une voix légère et doucereuse :

"Hum... Évite de t'approcher trop de moi, si t'es comme beaucoup des loups de ton clan plein de puces, je veux pas risquer d'en attraper."

Elle lui offrit un sourire étincelant, tout en se donnant à nouveau quelques coup de langues, remettant son pelage bien en place. Amaryllis s'allongea alors, sa queue fouettant l'air comme le ferait un chat, détaillant la louve, toujours son sourire aux coins des babines. L'endroit était toujours aussi sombre, heureusement que la lune et les étoiles éclairaient un peu l'endroit, permettant à l'adolescente des hurlements de l'air de discerner son interlocutrice, avec qui elle avait envie de s'amuser un peu. Son sourire s'étira, elle n'allait pas la chasser tout de suite, pas encore, elle voulait d'abord profiter de sa naïveté. Remettant sa mèche verte à sa place, qui lui barrait la moitié du visage, Amaryllis émit un petit rire inaudible, avant de poursuivre :

"Quant au paysage, je préférais l'admirer seule sans personne pour me déranger."

Elle marqua un temps de pause, toujours le sourire aux babines, puis s'étira les pattes avants, désireuse de se "venger" de cette louve qui avait perturber sa nuit à venir ainsi la déranger. Redressant sa tête, le visage froid, les yeux plissés, ce fut d'une voix froide et venimeuse qu'elle reprit :

"Qu'es-tu venue faire ici ? Y'a pas assez de terres chez les Crocs du Feu pour que tu viennes m'emm*rder chez moi ?"

Elle semblait agacée. Pauvre enfant... Un sourire ironique naquit sur les babines d'Amaryllis, un sourire qui s'agrandit quand cette imbécile lui répondit qu'elle avait mis une crème anti-puce. Comme quoi, ses paroles qui se voulaient ironiques étaient bien vraies. En entendant cela, l'adolescente ne pût s'empêcher de s'esclaffer de rire, jusqu'à avoir le ventre douloureux et les larmes qui lui montent aux yeux. Hilarante cette louve, vraiment ! L'intruse s'éloigna alors de la louve, visiblement vexée par les propos de l'adolescente, vexée comme le serait un louveteau, c'est ce qu'elle était, un naïf, et stupide louveteau. C'était pire que Phao... Et pourtant, on ne pouvait pas dire que ce louveteau était des plus futé, mais il arrivait au moins à faire rire l'adolescente dans le bon sens, et à lui faire éprouver de la sympathie, contrairement à cette louve, Amaryllis avait juste envie de se foutre ouvertement d'elle.

"Non, pas assez à mon goût. Et je viens pas pour t'emm*rder mais pour me balader j'ai bien le droit de sortir moi aussi, non ? Et c'est pas une apprentie qui va me faire la morale !
- Alors celle là, c'est la meilleure ! T'en as d'autres des blagues comme ça, car je dois avouer que tu es vraiment très drôle, tellement caricaturale que ça en devient grotesque !"

Et Amaryllis repartit dans un grand éclat de rire, se tenant le ventre de ses pattes, laissant son rire cristallin et agaçant résonner dans la nuit. Cette louve était le stéréotype de la louve "moi j'aime me faire ami-ami avec tout le monde pour avoir plein de copains car je me fiche des frontières et encore plus quand on est en guerre et si on me dit le contraire, je me mets à bouder comme les louveteaux !" À cette pensée, l'adolescente se remit à glousser, les yeux brillant de larmes, ne pouvant même plus rire tellement son ventre lui faisait mal. Enfin, l'adolescente des hurlements de l'air trouva tout de même le moyen de se calmer en voyant la louve partir, ce qui fit germer une autre idée dans son esprit. Changeant d'attitude aussi sec, les yeux plissés montrant sa détermination et son sourire supérieur toujours sur les babines, Amaryllis rejoignit l'intruse en quelques bonds et d'une bourrade puissant la fit choir au sol. Se mettant sur elle, ses pattes avant encadrant sa tête pour l'empêcher de s'échapper, profitant qu'elle fasse toutes les deux la même stature.

"Tu croyais vraiment que j'allais te laisser partir comme tu es venue ? Qu'elle naïveté ! T'es une intruse ici je te rappelle, tu n'as aucun droit sur ces terres, tu n'as pas à être ici, je suis une apprentie certes mais je vaux mille fois plus que toi, stupide petite louve qui ignore les frontières alors que nous sommes aux portes de la guerre."

Sa voix avait été venimeuse, elle n'avait du rencontrer que de gentils loups avant elle, pas des poisons. Amaryllis jouissait intérieurement, sentant des frissons parcourir sa fourrure. Le plus grand des sourire s'illuminer son visage intérieurement, elle était dans son rôle, celui de la louve protégeant ses frontières alors qu'elle adorait enfreindre celles des autres meutes, le rôle du prédateur qui jouait avec sa proie. L'adolescente des hurlements ricana avant de s'écarter de la louve, faisant un tour sur elle-même, dos à l'intruse, le regard levé vers la lune. Le sourire aux babines, Amaryllis observa la louve par-dessus son épaule, le regard rieur. Et, d'une voix plus légère, plus alésée déclara :

"Je réitère donc ma question... Qu'est ce que tu fous ici ? Trouve vite un moyen d'attirer mon attention, on verra après si on peut parler poils brillants et griffes vernies."

Elle émit un petit rire avant de s'asseoir calmement, remettant sa mèche à sa place, se disant que finalement cette intruse était très divertissante.

L'adolescente grise n'avait même pas pris la peine d'écouter sa réponse. Roulant des yeux, exaspérée par cette louve qui essayait de trouver de vains arguments pour expliquer sa présence ici, Amaryllis finit par s'allonger, baillant bruyamment en dévoilant ses crocs blancs et sa langue rose, avant de poser sa tête sur ses pattes avants, les yeux mis-clos. Tout de même, la jeune louve grise esquissa un bref sourire en entendant l'autre imbécile dire qu'elle avait juste envie de gambader. À cet instant, elle comprenait un peu mieux l'exaspération des guerriers voyant des abrutis comme son interlocutrice débarquer sur leurs terres en souriant bêtement car "tout le monde est mon copain, tout le mon est gentil" C'était vraiment casse-pattes... Bien entendu, Amaryllis ne restait pas souvent sur ses terres elle non plus, mais disons qu'elle était beaucoup plus fine que la louve ailée pour s'attirer la sympathie, ou pas, du loup en face d'elle. En tout cas, elle en tirait toujours bon profit, contrairement à cette louve qui montrait clairement son exaspération. Amaryllis leva les yeux au ciel et déclara d'une voix forte :

"Manquerait plus qu'elle se mette à taper de la patte et à râler comme les louveteaux !"

Amaryllis jeta un regard méprisant à la louve des Crocs du Feu, un léger sourire sur les babines, ne se retenant pas de ricaner quelque peu en observant cette louve qui ne lui inspirait que de la stupidité et de l'exaspération. La phrase suivante de la louve la fit encore plus rire, elle qui déclarait que les questions de la louve grise l'agaçait... C'était vraiment hilarant ! Amaryllis ne pût s'empêcher de s'esclaffer de rire, son regard dédaigneux sur la louve. C'était si... Amusant, tant de naïveté et de stupidité dans le même corps... L'adolescente se releva alors et, en une fraction de seconde, elle était sur la louve. La jeune louve au pelage gris leva sa patte et la plaqua sur la tête de son interlocutrice, l'obligeant à toucher la terre. Le regard froid et dur, la louve des hurlements de l'air rapprocha son visage de celui de l'autre, un léger sourire peignant son visage, ses yeux verts rieurs.

"Je crois que ce que t'as pas compris, c'est que t'es pas chez toi ici, si tu veux te promener, va te perdre dans des terres neutres au lieu de venir me faire chier ici. T'as rien à faire la, j'pourrai t'arracher la gorge pour avoir posé une patte sur nos terres, car je te rappelle, il y'a des frontières. Les questions, c'est moi qui les pose car je suis sur mes terres et toi tu n'es rien ici à part une intruse qu'il faut irradier."

L'adolescente la relâcha, sans se gêner pour la bousculer avec force. Amaryllis s'écarta un peu, observant quelques instants la lune qui les observait, silencieuse, douce, lumineuse, cela fit sourire la jeune louve ce contraste entre tant de beauté astrale et la stupidité de sa "camarade". Elle détourna le dos, observant le Lac d'Argent, un léger sourire sur les babines, si elle avait été seule, elle aurait profiter encore plus de ce magnifique paysage. Mais il avait fallu que cette louve arrive... Amaryllis poussa un soupir d'exaspération, décidément, dans cette meute des Crocs du Feu, il n'y avait pas un loup pour rattraper l'autre ! Entre Blackfury le rabat-joie et cette louve qui était la stupidité incarnée, ils étaient pas aidés mes pauvres... Heureusement que Okana était la pour rattraper le niveau... L'adolescente s'étira alors, se mettant même à chantonner un peu, avant de se tourner à nouveau vers son interlocutrice. L'adolescente la dévisagea de bas en haut, un léger sourire aux babines avant de s'exclamer :

"Tu comptes rester là jusqu'à ce que tes pattes se gèlent ou tu vas enfin te décider à te casser d'ici ? l'adolescente s'approcha un peu un sourire énigmatique sur le visage, peut-être que tu veux que je t'aide à bouger ton joli petit arrière-train d'ici ?"

L'adolescente ricana tout en remettant sa mèche à sa place. Elle fit onduler sa queue le regard pétillant de malice, attendant de voir la louve taper encore de la patte et froncer les sourcils. C'était si amusant, les réactions qu'elle avait, cette naïve, stupide, petite louve des Crocs du Feu.