Quicksilver se promenait le long de la rive de la rivière rouge. Il venait souvent ici, car la couleur du ciel lui rappelait le sang des loups morts, et le flot rouge de la rivière lui faisait penser au sang coulant dans les veines. Ce sang qu'il avait vu si souvent, et qui ne le faisait penser inlassablement qu'à son père, mort en héros, le seul loup qu'il n'avait jamais admiré, et aimé.
Ho, bien sûr, il avait depuis longtemps oublié ce sentiment. Il ne savait même plus ce qu'il voulait dire. Aimé? Qu'est-ce que c'est? Lui, il ne connaissait que la haine, la colère, la vengeance. Et cela lui suffisait. Oui, tant qu'il pouvait tuer les loups qui lui avait enlevé son père, il serait content. Son désir de vengeance partirait. Ensuite, il s'occuperait des loups des autres tribus, alors il ne ressentirait plus ni haine ni colère, car il n'y aura plus personne contre qui diriger ces sentiments. Il serait enfin seul.
Ainsi, Quick' se promenait le long de cette sombre rivière, qui allait si bien avec ses sombres pensées. Il ne faisait pas attention à la possible présence d'autres personnes, tout ce qui lui importait, c'était ses plans de vengeance et de domination. Alors forcément, quand il butta contre un obstacle sur sa route, il fut un peu surpris. Quand même, il ne faisait certes pas attention, mais de là à ne pas remarquer une louve juste devant lui, il était vraiment plongé très loin dans ses pensées!

-D'solé

Il contourna alors la louve, en passant entre elle et l'eau, cherchant toujours à rester près de cette rivière rouge, qui le rapprochait de la colère et de la haine.

Alors que je continuais ma route après avoir éviter une louve brune, celle-ci revint me barrer le passage un peu plus loin, à un endroit assez étroit.

-Tu pourrais quand même faire plus attention !
-Qui es tu ? je ne te reconnais pas.

Apparemment bien décidée à tout savoir, elle s'assit, me bloquant ainsi le peu d'espace qu'il me restait pour me faufiler à côté d'elle et passer derrière. Mais qu'est-ce que les gens avaient tous à vouloir toujours tout savoir sur les autres? Ils pouvaient pas simplement rester dans leur coin, et me laisser tranquille? Maintenant, je ne voulais plus que me débarrasser d'elle vite fait bien fait.

-Je suis espion du clan, Quicksilver. Contente? Je peux partir maintenant?

Sur ce, je tenta de la déplacer en la poussant avec ma patte avant. Bon, elle était un peu plus lourde qu'elle ne le semblait au premier coup d'oeil, alors finalement je la poussa avec mon épaule. Je réussi à la déplacer un peu, et tenta de ma faufiler dans le petit espace que je venais de créer.

-Et bien va t'en alors...

La louve en face de moi avait l'air blasée, et très fatiguée de ne pas avoir rencontré une compagnie digne de ce nom. Enfin bon, moi je m'en fichais un peu. Alors, quand je la vit éloigner les arbres les uns des autres, je ne perdit pas mon temps plus que ça. Je continua ma route au bord de la rivière. Elle était cependant moins agréable qu'au début, car un temps d'orage arrivait. Franchement, manquait plus que ça. Maintenant, je devais s'éloigner de la rivière, ou je risquais de me faire avoir par la montée de l'eau.
D'un coup, j'entendis un violent coup de tonnerre, suivit d'un éclair. Les éclairs étaient très beau, pour moi : des serpents de lumière, aussi rapides qu'éphémères, et qui pouvaient détruire tout d'un simple contact. La puissance absolue, alliée à une beauté incomparable.
Alors que la pluie commençait à tomber en trombes, un deuxième éclair explosa, tout aussi magnifique que le premier. Mais je sentit alors un contact chaud et très agité près de moi: je vis alors la louve agaçante qui m'avais rattrapée et qui s'était blottie contre moi, morte de peur. Quand je pense que trente secondes plus tôt, elle ne voulait plus me voir!

-Hé la, qu'est-ce que tu fiches ici? Attend, ne me dis pas que tu as peur de l'orage? Sérieusement, il n'y a rien de plus beau qu'un éclair!

En disant ces mots, je la regarda droit dans les yeux. C'est alors qu'un troisième éclair éclata. J'eu juste le temps d'en voir le reflet dans ses yeux avant qu'elle ne ferme les paupières, complètement apeurée. Mais cette image resta gravé en moi: j'avais l'impression d'avoir vu l'éclair naître dans ses yeux, et y mourir. Cela avait avait été magnifique. J'en resta complètement pantois et abasourdi pendant quelques secondes, ne bougeant plus d'un pouce. Puis je me secoua et m'efforça de ne plus la regardait. Elle continuait à rester coller à moi, alors je me dirigea loin des arbres, afin de ne pas risquer de griller à cause d'un éclair qui y trouverait un point d'encrage. Ainsi donc, je fit une sorte de dôme au dessus de nos têtes avec mon sable. C'est pas comme ci j'en avais besoin, mais bon, si je ne le faisait pas, elle allait continuer à trembler et à rester coller à moi. Enfin, je ne savais pas vraiment... Je le faisait pour qu'elle me lâche, ou juste pour ne pas la voir effrayée?
Je ne savais plus....

Une fois le dôme correctement positionné au-dessus de nos tête, je ne pus m'empêcher de regarder Prilla. Je croisa alors son regard empli de reconnaissance...

-Merci

Non, c'était plus que je ne pouvait en supporter! Je détourna immédiatement le regard, le fixant droit devant moi. Je sentis alors la louve s'éloigner de moi, et je ressentis une impression étrange de froid et de vide. Puis, elle revint d'un coup, me réchauffant à nouveau. J'étais perdu: cette louve me rendait dingue, il fallait que je m'en éloigne.
Je vis alors la raison pour laquelle elle avait tentée de s'éloigner de moi: un abri en terre et en roche, où elle pouvait s'abriter tranquillement, et attendre la fin de l'orage. Je commença alors à m'avancer doucement, veillant à ne pas l'effrayer. Pourquoi? Je ne sais pas, je voulais juste qu'elle n'est pas peur... Je ne savais plus ce que je ressentais.

-Allez, viens, on va aller dans l'abri, là-bas. Avance ne même temps que moi.

Je me dirigeais alors vers cette grotte, surveillant la louve du coin de l'oeil. Quand on l'eu atteint, on s'y engouffra, et je défis le dôme de sable. Je la vis alors s'écarter un peu de moi. J'en profita pour retourner dehors, sous la pluie battante, la laissant seule dans l'abri. Je fis quelques pas, et m'assis à 3-4 mètres de la petite grotte.
Vraiment, je ne pouvais pas rester près d'elle. Je me sentais... bizarre. Je ne savais même pas pourquoi je l'avais amenée ici... Était-ce pour être enfin seul, ou pour ne plus la voir apeurée? Mais dans ce cas là, si je la laissait seule, ne risquait-elle pas d'avoir encore plus peur?
J'étais perdu, désorienté. Que faire? Partir loin d'elle, ou rester et retourner la consoler? Ne sachant que faire, je décida finalement de rester ici, sans bouger, sentant chacune des gouttes d'eau qui tombaient sur mon pelage comme une lame rentrant dans mon corps et me blessant de mon incertitude, moi qui ne m'étais jamais posé de questions.

Alors que je commençais à m'éloigner, j'entendis la louve courir derrière, puis glisser. Quelques pas après, je l'entendis cette fois tomber dans la rivière, et en sortir peu de temps après. Franchement, quelle maladroite! Et maintenant, elle me suivait comme mon ombre. Je sentais son souffle sur ma queue, lorsque je la balançais.
Finalement, je finis par m'arrêter et par me retourner. C'est pas possible, pourquoi me suis-t-elle? Qu'est-ce que j'ai encore fais? Enfin, je me disais ça, mais en même temps, je ne voulais pas trop la voir partir.... Fichus sentiments contraires!

-Pourquoi me suis-tu?

Ha, voila, ça c'est bien! En fonction de sa réponse, j'allais pouvoir démêler ce tourbillon qui ne cesse de s'agiter en moi. J'allais pouvoir me reprendre en main, et arrêter d'agir bizarrement. Enfin bref, j'allais pouvoir redevenir moi-même!

Enfin, c'est ce que j'aurais aimé dire. En réalité, ce qui sortit de ma gueule ressemblait plutôt à ça:

-Euh... P..P..Pour... Euh....

Je ne parvenais même plus à sortir un mot cohérent! Je ne comprenais pas, depuis que j'avais rencontré cette louve, je n'étais plus moi-même.
Finalement, de dépit, je finis par me coucher dans la boue. Je mis mes pattes avant sur ma tête, comme pour me cacher, et tant pis si je bouffais de la terre.

Alors que j'étais couché, je sentit des pattes tenter de me relever, et m'amener près de la rivière.

-Relève toi tu vas te salir.
-Ne bouge pas.

Alors que j'étais à moitié assis, moitié couché, la louve commença à me laver, en commençant par mon museau. Petit à petit, toute la boue eu disparu de mon corps. Et puis tout à coup, je sentit un contact chaud et doux contre ma joue, un contact qui m'était agréable, mais qui ne dura pas longtemps. Non, j'avais envie que ce contact revienne, et qu'il reste. Et à ce moment, je le senti de nouveau, mais sur mon museau cette fois. Il dura encore moins longtemps, mais été encore plus agréable.
Je vis alors la louve s'éloigner de moi en trottinant. Pourquoi s'en allait-elle?

-Viens avec moi, je voudrais te montrer mon jardin secret... s'il te plait ?

Ho, elle ne s'en allait pas alors. Je me senti soulagé. Puis, je la suivi, trottinant moi aussi afin de la rattraper. Je voulais rester près d'elle, qu'elle ne s'éloigne plus de moi. Mais, en même temps, je voulais aller très loin, m'en aller, fuir ce contact. Mais la louve gagna dans mon combat intérieur, et je la suivi, arrivant devant un champ de fleurs magnifiquement colorées, mais qui ne m'émouvais pas vraiment. Je n'avais jamais été ému par des fleurs, et j'étais satisfait que ce sentiment là, au moins, été resté. Je n'avais pas encore complètement changé. Et cela me rassura un peu.

-Pourquoi.... Pourquoi restes-tu près de moi?

Je ne pus m'empêcher, en disant ces mots, de me rapprocher d'elle. J'espérais en mon fort intérieur qu'elle recommencerais ce contact entre nos joues ou nos museaux, ce contact si doux et si chaud à la fois.

-Je t'avouerais que je ne sais pas... mon instinct me dit qu'il y a un lien entre nous.. C'est idiot n'est ce pas ?

Elle non plus ne savait pas... Ça me rassurais, car cela voulait dire que je n'étais pas le seul à ne pas comprendre, mais en même temps, j'étais déçu, car j'espérais qu'elle puisse donner une réponse à la question que je me posais. Pourquoi?

-Pourquoi m'as tu suivi ? Tu ne veux pas de moi ?

Ha, tiens, ça c'était une bonne question. Oui, vraiment, très bonne question, bien formulée, directe, attendant une réponse claire et précise, oui, vraiment, très bonne question. Bon, il faudrait peut-être y répondre maintenant. Mais, franchement, je n'en avait pas la moindre idée, moi. Je l'avais suivie, c'est tout. Enfin, si, j'avait une idée: c'était pour ce contact si chaud et si doux. Mais, je ne pouvais quand même pas lui dire ça!

-Et bien, c'est que... je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je ne veux pas te voir t'éloigner. Enfin, je veux dire... euh.... en fait... euh.... je sais pas...

Voila, je l'avais dit. Il m'avais fallu le temps, mais je l'avais sorti! Enfin, assez bizarrement, et avec bien du mal, mais maintenant ça allait devenir plus facile.
En disant ces mots, je m'étais assis, la queue écrasé sous mon postérieur, la tête basse et les oreilles couchées. Il faut le dire, j'avais un peu honte des mots que je venais de prononcer.

Alors que j'étais en train de me traiter de tout les noms péjoratifs possibles et imaginables, je sentis quelque chose froller ma patte. En regardant, je vis la patte de la louve qui se retirait. Ce devait être elle qui m'avait touché. Alors, je releva la tête, et là elle me regarda droit dans les yeux. Je crois que c'étais la première fois que je faisais attention à ces yeux. Ils étaient bleu, bleu comme la mer.

-Touche moi.

Je fus pris au dépourvu. En l'entendant, j'avais senti toutes les cellules de mon corps vibrer au son de sa voix. Toujours plongé dans ses yeux, j'y voyais maintenant des étoiles, des étoiles d'espoir, et des étoiles d'avenir. J'y voyais quelque chose que je ne connaissais pas. Un sentiment fort, fort comme je n'avais jamais connu. Et cela m'attirais et me terrifiais à la fois.
Finalement, je pris mon courage à deux pattes et j'avança ma patte avant vers elle. J'hésita une seconde avant avant de la toucher, puis je la posa sur son buste, au niveau de son coeur. Je resta ainsi sans bouger pendant un moment, puis je reposa ma patte et avança mon museau pour toucher le sien. En premier, c'est elle qui m'avais touché, maintenant c'était mon tour, et je devais admettre que j'aimais beaucoup ce nouveau contact.

-Et toi, pourras-tu m'accepter? Ou me rejetteras-tu, comme beaucoup l'on fait avant toi?

J'avais susurré ces mots à son oreille, comme on dit un secret qui nous est précieux. Il était important pour moi de savoir. Savoir si elle allait m'accepter, ou non.

-Je m'appel Prilla.

Prilla... c'était joli. Aussi beau qu'elle. Ça lui allait bien. Et puis maintenant, je pourrais l'appeler au lieu dire 'la louve' tout le temps.

-Prilla... C'est joli.

Je me releva alors et lui donna un petit coup de museau. Si je restais encore allongé avec elle, j'allais finir par m'endormir!

-Allez, il va falloir rentrer, où on va arriver après la tombée de la nuit.

Sur ces mots, je me dirigea vers la sortie du champs de fleur, et pris la direction des tanières. Ce soir, comme à mon habitude, j'irais dans ma grotte, isolée des autres, loin de tout contact avec les autres loups. Cette idée me fit un peur, car je ne voulais pas me séparer de Prilla maintenant. Alors, je marcha très lentement, prenant le temps de savourer sa présence à mes côtés. Je voulais que cet instant dure toujours. Et avec le soleil qui se couchait, les reflets sur l'eau prenaient une teinte magnifique. Ce n'était plus rouge sang, c'était un rouge pur et noble, un rouge propice à l'amour et à l'espoir.