J'étais parti très tôt du camp: trop de louveteaux affamés pour mes pauvres oreilles. Ils braillaient toute la journée sans s'arrêter. Sérieusement, s'ils ont faim, ils ont qu'à se bouffer entre eux! Comme ça, non seulement ils auront plus faim, mais en plus ça fera des petits morveux en moins. Deux en un! Oui, assurément, c'était une bonne idée. Mais jamais les autres ne seront d'accord. Ça, ce sera plus problématique. Comment les convaincre de laisser les louveteaux se bouffer? Autant demander à une mère de tuer son propre gosse. Ce que je propose, en gros. Donc non, selon les règles d'un clan, mauvaise idée. Rahhhh! Mais qu'ils sont compliqués! Ce serait pourtant si simple d'avoir à manger! Comme le dit le dicton, la proie est toujours plus dodue dans le territoire du voisin. Il suffit donc d'aller se servir chez les autres. Ce que je ne me suis pas gêner de faire.
J'avais encore un peu de peau de lièvre entre deux dents quand je suis arrivé aux collines de l'oubli. Je ne sais même pas pourquoi mes pattes m'ont portées jusqu'ici: il n'y a absolument rien à voir. Et quand tu veux voir quelque chose, tu oublis tout. Alors autant ne pas venir. Mais maintenant que je suis là, je n'allais pas repartir tout e suite. Autant profiter du soleil de fin de matinée pour m'accorder une petite sieste réparatrice....
....qui ne dura pas très longtemps. Je commençais à peine à fermer les yeux lorsque le premier bruit se fit entendre. Je me remémora vite fait la matinée: j'étais parti seul, je suis absolument certain d'avoir pénétré seul sur les terres de ces pleutres du vent, et je n'étais pas suivi lorsque je suis venu ici... A moins qu'il ne s'agisse d'un loup particulièrement agile pour échapper à mon ouïe et à mon odorat, deux sens très bien développés chez moi.
Un deuxième bruit survint, légèrement plus proche que le premier: il s'approchait. Je ne parvenait pas à voir de qui il s'agissait, et l'absence de vent était en ma défaveur. Je n'avais plus qu'à foncer tête baissée dans la direction des bruits de pas du loup, qui restait très discret. S'il s'agissait d'un ennemi, je n'aurais plus qu'à lui arracher la gorge de mes crocs. Si c'est un loup de mon clan.... il n'avait qu'à pas m'espionner, et je ne pourrais être tenu pour responsable de ce qui allait arriver.
En restant sur mes gardes, je m'approcha doucement de la zone de bruit: je n'en avait pas entendu de nouveau depuis le deuxième. Soit le loup était parti, soit il s'était arrêté. Je ne le saurais jamais: je retournais me coucher à mon coin au soleil, en gardant un oeil sur la zone où le loup devait se cacher, quand un autre mouvement m'arrêta: un autre loup s'approchait des collines de l'oubli. Pas très silencieuse, pas particulièrement prudente, elle se sentait chez elle, et c'était sûrement le cas. Pas de quoi s'affoler. Je retourna donc tranquillement me coucher au soleil, la première intrusion dans mon repos totalement oubliée. Soit ce nouveau loup passait sans me voir (ou m'ignoré), et je pourrais enfin finir ma sieste, soit il s'agissait de l'un de ces bavards qui veulent toujours tout savoir et qui ne connaissent pas le mot privé.