Elle avançait, la tête haute, le menton relevé, les yeux braqués devant elle. Elle ignorait complètement les loups qui l'entouraient, "ses camarades", elle ne voulait plus les voir, elle ne voulait plus entendre leur voir disgracieuse, leurs plaintes, leur agacement. Elle en avait marre de les entendre, marre de les voir, marre de les sentir. L'odeur de sa propre meute la répugnait. Elle ne supportait plus de voir leur pelage, leurs corps maigres, elle en avait déjà assez de supporter son propre corps, maigre, la peau sur les os, heureusement que sa fourrure épaisse cachait son corps squelettique... La faim rongeait son estomac, elle avait parfois l'impression qu'elle la consumait de l'intérieur, lui nécrosant les organes, jusqu'à ce qu'elle finisse par devenir une carcasse vide, morte de l'intérieur. Ça allait de mal en pis. À cela s'ajoutait la fatigue et l'ennuie profond que l'adolescente éprouvait et ce, bien avant que son clan se soit installé à la Gorge d'Abondance. Elle s'ennuyait à mourir, tout la désintéressait, elle n'avait plus goût à rien. Elle avait l'impression d'être vide, elle avait même l'impression que la faim ne l'atteignait plus, elle était tellement habituée à ressentir ce creux dans l'estomac qu'il était devenu ordinaire d'éprouver la faim. Amaryllis était devenue silencieuse et rigide. Elle ne souriait plus, ne riait plus, n'embêtait plus son monde. L'adolescent se contentait de déambuler dans le camp, se promenant, les rares qui venaient lui parler se voyaient couvert d'un flot de jurons et de grognements. Personne ne savait pourquoi elle réagissait ainsi, à part elle.  

Depuis que l'adolescente était allée au Cimetière Interdit et avait découvert cet étrange loup au pelage noir, elle n'avait de cesse de le voir un peu partout. Il apparaissait subitement, l'observant, avant de partir aussitôt, telle une ombre. Amaryllis passait ses journées à essayer de le trouver, dans le camp, dans la Gorge, il l'obsédait. Elle voulait savoir pourquoi il lui apparaissait subitement, pourquoi il était la et surtout... Que lui voulait-il ? La jeune louve en oubliait parfois de se nourrir, tellement elle était absorbée par ses recherches. Elle n'en avait parlé à personne. Qui aurait voulu l'entendre de toutes façons ? Déjà qu'elle n'était pas très appréciée, on la prendrait en plus de cela pour une folle. Et ce n'était pas le moment. La faim rongeait tout le monde et avec ce fou qui s'était installé au pouvoir, elle ne pouvait se permettre de crier haut et fort qu'elle voit un loup noir un peu partout. Un fou... À lui il était bien gratiné ce loup. Il était sorti de nul part, criant haut et fort être le frère de WildStorm et donc que la place d'Alpha lui revenait de droit. Même si Amaryllis n'avait pas une opinion positive de l'ancien alpha (ni négative d'ailleurs) il était certainement plus compétent que cet imbécile qui terrifiât la meute. Enfin, pour l'instant il n'avait pas chercher de puces à l'adolescente, et tant mieux pour lui. Même si elle ne parlait plus beaucoup en ce moment, sa repartie était intacte et elle pourrait très vite retrouver son caractère mesquin et sarcastique. En attendant cela, elle restait muette, agressive et solitaire. Elle voulait être seule pour l'instant.

L'air était frais, c'etait le soir désormais , pratiquement la nuit, tous les loups du clan dormaient, ou presque. Amaryllis déambulait dans le camp de fortune, silencieux, elle avait fait cela toute la journée. Il n'y avait plus personne pour lui jeter des regards curieux, elle pouvait partir. S'éloignant du camp, elle se décida à se rendre un peu plus loin, dans la parcelle de terre qui formait leur territoire. L'adolescente s'approcha d'un petit ruisseau, scintillant sous les étoiles. Elle observa son reflet, ses yeux brillaient, ses joues étaient creuses et son pelage emmêlé. Elle ne prenait même plus soin d'elle. L'adolescente soupira, ce loup l'obsédait tellement qu'elle s'était vraiment négligée. Mais existait-il vraiment ? C'était peut-être la faim qui la faisait halluciner... Elle voulait s'éloigner de ses camarades, être seule, mais elle ne savait pas pourquoi. La jeune louve lapa l'onde froide sur ruisseau puis s'allongea, avant de commencer à faire sa toilette, lissant sa mèche, remettant les poils de son poitrail en place, aplatissant les poils rebelles de sa queue épaisse. Une fois sa tâche finie, elle se contempla à nouveau dans l'eau, elle était un peu mieux déjà. Un petit sourire fendît ses babines.

"Qui que tu sois, je te trouverai..." chuchota-t-elle.

Elle trouverait ce loup... Et puis, dans l'eau, elle vit une ombre derrière elle. Croyant d'abord qu'il s'agissait du loup noir, le regard lumineux, l'adolescente se tourna avec vivacité. Et son sourire disparut bien vite lorsqu'elle se rendit compte que ce n'était pas le loup noir, mais l'Alpha, le fou comme elle préférait l'appeler. Amaryllis renifla, comme si elle sentait une odeur répugnante et l'observa de haut en bas, le regard méprisant. La jeune louve fouetta l'air de sa queue, les muscles tendus, sur ses gardes. Méfiante, elle attendit qu'il parle, ou fasse quelque chose, les yeux brillants d'hostilité.