Leyna se détestait pour s'être perdue. Elle a beau être un prédateur, elle n'en est pas plus maligne. Elle était parti dans la nuit, s'assurant que toutes les étoiles brillaient de leurs milles feux et que la température était au plus bas, couvrant son pelage d'une fine couche de gelé suite à son immobilité. Tout le monde doit dormir à cette heure ci, s'était-elle dit. Elle avait prit le chemin des terres du feu, avec en tête toutes les plantes qui pourraient remplir son inventaire qui m'égrisait à vu d’œil, l'ardeur de l'hiver lui faisait distribuer généreusement ses remèdes mais refusait de lui en procurer. Les plantes de ses terres ne lui suffisaient plus, elle avait donc décidé d'élargir ses horizons en commençant par ceux du feu, qui bordaient les siennes. Elle ne connaissait pas bien ces terres, mais elle en avait assez apprit pour savoir que les loups de cette meute n'étaient pas des tendres, loin de là. Ayant dormi la moitié de la nuit au lac d'argent, elle était descendue dans la foret perdue. En effet, elle porte bien son nom. La brume environnante ne l'avait pas aidé, masquant toutes odeurs en lesquelles elle aurait pu se fier, et la privant de sa vue.

A présent, elle avait abandonné l'idée que les loups ont tous un sens de l'orientation inégalable et que la nature faisait bien les chose. Elle marchai sans but, droit devant elle, sans vraiment se soucier où ses pattes la mènerons, car elle avait confiance en elles. Elle gardait tout de même les oreilles dressées, à l’affût d'un bruit suspect, et les yeux bien ouverts, qui sait, il y aurait peut-être une racine de bardane qui ne demanderai qu'à être cueillit. Après une heure de marche, et quelques petits trots par ci par là, les arbres se firent plus rares, et quelques rayons de lumières percèrent l'épais feuillage de la forêt. Comment peut-il faire jour? Je ne suis partie que depuis quelques heures... se dit la louve, intriguée. Elle accéléra le pas jusqu'à être complètement sorti de la forêt perdue. Effectivement, il faisait jour, le soleil venait de se lever à en juger par la lueur rosée du ciel. J'ai surement dut marcher plus que je ne le pensai... jugea la guérisseuse, continuant d'un pas prudent. Soudain, ses yeux s'arrêtèrent sur un bosquet de camomille, à quelques mètres seulement d'elle. Finalement, elle ne rentrerai pas bredouille., et cette idée la fit sourire.

L'humeur légère, elle se dirigea vers le bosquet et arracha les tiges délicatement avec ses dents, les déposant en un bouquet à ses pattes. Elle pensa qu'elle pourrai en donner aux louveteaux le soir, qui excités par une journée remplie et trépidante, ont toujours du mal à s'endormir, ou en donner aux vieux loups qui sont toujours tiraillés par des maux de tête. Elle souri à la pensée qu'elle allait enfin se rendre utile, et que son courage allait porter ses fruits, alors quand un murmure s'éleva dans le calme matinale, elle se figea complètement. La ferme. C'est ce qu'a dit une louve, non loin d'elle. Pourtant, la guérisseuse ne l'avait pas vu, elle avait dut sortir après son arrivée. Fais-je trop de bruit? pensa Leyna, incrédule. Mais bizarrement, ces mots ne semblaient pas lui être adressés puisque la louve lui tournait le dos, et ne paraissait même pas se rendre compte de sa présence. Son pelage était gris, d'une telle clarté que l'idée qu'elle fasse partie des Hurlements du Vent effleura Leyna. Puis elle vu avec quelle aise elle était assise, comme si elle n'avait rien à craindre ici. Aucun doute, elle venait encore de rencontrer un loup du feu.

Cela dit, malgré les réactions exagérées et la lueur de cruauté brillant dans ses yeux que Leyna s'imagina, la louve ne dit plus rien, elle lui montrai toujours son dos, observant le levé du soleil. Leyna décida qu'il était plus sur de rentrer maintenant. Après toutes les rencontres avec des Crocs du Feu qui avaient mal tournées elle en savait assez sur leurs caractères provoquant pour ne pas s'y frotter une nouvelle fois. Elle prit les plantes qu'elles avait arrachées et commença à se détourner quand un rire retentit. Son sang se glaça. La louve se moquait-elle d'elle? Serait-ce pour son imprudence, son impolitesse? Elle devait vraiment l'embêter pour qu'elle réagisse ainsi, elle qui ne demandait que la tranquillité de l'aube. Leyna se retourna. La louve ne la regardait toujours pas. Comment être sur que cela lui était adressé? Mais si ça lui était et qu'elle partait ainsi, comme le prendrait-elle? Et puis, il n'y avait personne d'autre aux alentours.

« Désholée... » dit-elle, la bouche pleine de camomille, l'empêchant de bien prononcer ses excuses.

Elle espérait que c'était une bonne décision. Certes, elle n'avait rien fait de mal, à part s'aventurer sur leurs terres et prendre quelques plantes, mais était-ce considéré comme du vol? Soudain, elle se sentit honteuse. En effet, ce n'était pas très fin de venir ici et de prendre des plantes comme une voleuse, sans même dire quelques mots. Elle espérait que la louve ne le prendrait pas mal, et qu'elle la laisserait filer sans grandes histoires. Enfin, si elle daignait lui lancer ne serait-ce qu'un regard, car pour le moment, elle paraissait encore plongée dans le ciel qui commençait déjà à perdre sa lueur orangée.

Ma voix fit sursauter la louve, ce qui d'ailleurs surprit aussi Leyna, qui ne s'était pas préparée à une telle réaction. La louve s'était vivement retournée, et la regardait, étonnée. Puis son expression se fit beaucoup plus calme, et elle prit un air neutre et impassible, comme si la situation ne la concernait absolument pas. Leyna était un peu déconcertée, s'était-elle trompée et s'était excusée inutilement? Elle n'avait vu personne aux alentours, et avait eut la conviction que ces propos lui étaient adressés, pourtant, à en juger par le comportement dérouté de l'inconnue, c'est comme si elle n'avait même pas remarqué sa présence, et que même à présent, elle s'en fichait complètement. Mais alors, à qui parlait-elle? Il n'y avait effectivement personne autour d'elles, juste quelques oiseaux reprenant en chœurs leurs habituels airs matinaux. Leyna connaissait peu de loup murmurant et riant sans interlocuteur, surtout des mots aussi... secs.

Malheureusement, elle n'eut pas le temps d'y réfléchir plus longtemps : la louve du feu s'approcha, et sa carrure intimida fortement la frêle guérisseuse. Qu'allait-elle faire? A nouveau rire, de ses pitoyables excuses, de son courage pour s'être aventurée jusqu'ici, qu'elle allait d'ailleurs lui faire regretté? Montrer les crocs et ouvrir un combat gagné d'avance? Feindre d'être gentille et au moment où Leyna se tournerai pour rentrer dans ses terres, satisfaite de la civilisation dès lors insoupçonnée des Feu, lui sauter dessus et lui briser les os? Ou alors, tout simplement la laisser partir, son butin dans la gueule, tout en la suivant de ce même regard indifférent? La grisâtre cherchai des signes dans les actions de la louve, et pu remarqué que son regard se posai sur les camomilles dans sa gueule, puis sur leurs bosquet, puis de nouveau sur elles. Elle devait analyser la situation, et cela soulagea Leyna. Ce n'était donc pas une louve irréfléchie qui sautait sur tout ce qui bouge dans le simple besoin d’assouvir des pulsions meurtrières, voilà qui rehaussait légèrement l'estime jusqu'à alors inexistante qu'elle entretenait pour les Crocs du Feu.

Leyna attendait toujours une réaction, elle n'osait rien dire, rien faire, étant trop apeurée de risquer d'offenser la louve, qui commençait à bouger sa tête de droite à gauche, comme le faisait les louveteaux lorsqu'ils ne savaient pas si ils devaient suivre leur père pour apprendre à chasser, ou rejoindre leur mère et profiter de leurs caresses et d'un bon petit déjeuner. Cela attendrit quelque peu Leyna, la louve paraissait tout de suite moins menaçante avec cette mimique. Peut-être que tous les loups du Feu ne sont pas des machines de guerre finalement, se dit la louve. Mais elle ne devait surement pas penser aux problèmes enfantins des louveteaux, elle devait surement décidé du sort de Leyna, et elle espérait qu'il soit en sa faveur. Tu es une guérisseuse, j'imagine. Instinctivement, elle hocha la tête, peut-être avec un peu trop de conviction. Elle était tout simplement trop soulagée qu'un combat ne soit déclaré pour cause d'intrusion ou de vol, et que l'inconnue soit assez censée et observatrice pour avoir trouvé juste, peut-être serait-elle plus compréhensive par la suite.

« Et toi, tu dois être une guerrière, je suppose. » répondit Leyna sur un ton amical, du tac au tac.

Elle regretta instantanément ses paroles. Elles n'avaient rien de méchantes, mais que faire si la louve les prenait pour de l'arrogance? Elle avait simplement constaté que la louve faisait une tête de plus qu'elle, ce qui d'ailleurs l’intimidait fortement, et que les muscles sous son pelage n'étaient pas à prendre à la légère. Elle ne pouvait pas être une simple gradée, cela supposait qu'elle avait un rang qui demande beaucoup d'effort, et ce n'était pas compliqué à deviner, étant donné sa carrure imposante. Elle plongea ses prunelles dans celles de la louve lui faisant face, légèrement cachée par une mèche tombant sur sa joue droite, à la recherche d'une quelconque lueur de rage et de colère