Une brise froide balaya le pelage gris de la louve, lui apportant mille et une senteurs. Elle discernait l'odeur d'écorce, l'herbe qui laisserait bientôt place à la neige, l'onde glaciale des rivières, mais pas une fragrance de gibier. Rien, absolument rien, pas la moindre petite souris. On aurait dit que l'annonce des dieux avait fait fuir toutes les proies de l'île, même les lapins et les cerfs avaient compris que toute cette histoire de guerre n'était que des stupidités, un bon moyen de s'entre-tuer, du moins, c'était l'avis d'Amaryllis. Elle ne le répéterait jamais assez mais l'adolescente pensait vraiment que tout ceux qui étaient prêt à déchirer les chairs et broyer les os des autres tribus... Étaient des imbéciles, un ramassis d'abruti, encore pire que les Dieux. Car après tout, c'était bien eux qui avaient déclenché cette guerre inutile, ces idiots...

Cela faisait une dizaine de minutes qu'Amaryllis était là, assise, le pelage balayait par le vent. Cela faisait dix minutes qu'elle s'imprégnait des odeurs et sensations que lui offrait la naturel son seul plaisir désormais. L'adolescente se faisait rudement sermonnée à chaque fois qu'elle embêtait un membre de son clan. Et comme la louve était de plus en plus fatiguée, elle n'osait même plus vagabonder un peu partout pour essayer de trouver une nouvelle tête. Autrement dit, elle n'avait pas le moral, et se contentait d'observer la nature. Amaryllis avait finalement réussi à se traîner jusqu'aux frontières avec la tribu de la terre, les chasseurs ayant réussi à trouver quelques maigres rongeurs et étant des plus jeunes, la louve avait pu en prendre une bouchée. Cela n'avait nullement apaisé sa faim, mais l'avait tout de même légèrement ragaillardie. La louve était de mauvaise humeur, elle devait subir les conséquences de l'imbécilité des Dieux et cela l'agacer énormément. Et bien entendue, elle ne pouvait rien dire. Qui était-elle, simple petite louve de la tribu des hurlements de l'air pour défier les puissantes divinités ?

L'adolescente donna un coup de patte rageur dans l'herbe traçant de profonds sillons. Elle s'ennuyait à mourir en cette sombre période, les loups devenaient fous. Et pourquoi elle, devait-elle rester calme ? N'est il pas la plus grande folie que de rester sage dans un monde de fou ? Si, bien sur que si. Amaryllis plissa ses yeux émeraudes, déterminée. Elle posa une patte ferme de l'autre côté des frontières, puis une autre, avant de la passer complètement, s'imprégnant des odeurs de ces terres inconnues. En y réfléchissant, elle n'avait encore jamais enfreint les frontières, mais il fallait un début à tout. Et puis, elle pourrait toujours se défendre en disant la nourriture manqué, elle avait toujours le dernier mot de toute façon. Et n'avait pas à se justifier. Point.

Amaryllis avançait d'une démarche souple, comme à son habitude, observant avec attention le paysage, non pas pour se cacher d'un éventuel membre de la tribu de la terre, mais bien pour mémoriser les paysages. Et puis, à quelques mètres d'elle, l'adolescent vite ne silhouette allongée dans l'herbe fine, certainement une louve. Mais de après sa musculature peu développée, il ne s'agissait certainement d'une chasseuse ni d'une guerrière. La jeune louve sourit, le regard retrouvant toute sa malice habituelle. Elle fit onduler sa queue, remit sa mèche verte à sa place avant de s'approcher de l'inconnue. Elle s'allonge près d'elle le plus silencieusement qu'elle pût avant de déclarer d'une voix légère :

Elle se releva aussitôt, se détournant. Peut-être la louve avait déjà remarqué sa présence avant qu'elle ne parle, mais Amaryllis s'en fichait, elle avait juste envie de s'amuser. Elle plissa les yeux, son sourire s'élargissant. Elle fit à nouveau onduler sa queue, les yeux brillants.

La louve sursauta n'ayant visiblement pas remarqué la présence d'Amaryllis, couchée à ses côtés il y'a encore quelques instants. L'inconnue se releva avec vivacité, montrant ses crocs blancs avec une certaine gêne ce qui fit sourire l'adolescente. Une telle gêne à être agressive démontrait d'une grande timidité et d'une personnalité renfermée ce qui élargit le sourire de la louve au pelage gris. Se moquant d'elle, la jeune louve imita sa position en grondant la quittant aussitôt en partant dans un éclat de rire joyeux. L'inconnue reprit alors sa mine timide, et Amaryllis en profita pour la détailler un peu mieux. Comme la plupart, voir tous les loups de l'île, cette dernière était d'une grande finesse pour ne pas dire maigreur. Son pelage avait une belle couleur blanche et son visage harmonieux était encadré de mèches rouges tandis qu'une fourrure d'un doux gris descendait le long de son cou. Ses yeux étaient d'un bleu profond mais semblait ne pas la voir, comme-ci elle regardait à travers elle ce qui fit froncer les sourcils de l'adolescente. Oui, cette louve était jolie.

La remarque fit rire Amaryllis, ce semi-compliment faisant plus rire la jeune louve qu'autre chose. La même pensée ayant frappé son esprit quelques instants plus tôt. Un vent froid balaya à nouveau le pelage de l'adolescente la faisant frissonner. Le temps s'était rafraîchi. Le silence s'installa quelques brèves secondes. La louve s'approcha alors de l'inconnue, et pencha sa tête au creux de son oreille, avant de murmurer :

Elle avait offert à la louve sa voix la plus lugubre, celle qu'elle espérait, créerait des frissons parcourant le corps entier de cette louve de la terre. Elle espérait l'effrayer, jouant de ce qu'elle avait vu de sa personnalité pour s'amuser. Amaryllis ria, d'un rire froid, léger, effrayant. Elle s'écarta de l'étrangère essayant de faire preuve de rapidité pour la désorienter, et créer ce sentiment de malaise, de confusion, de gêne, qu'elle aimait tant créer. Amaryllis était partie, voici Charly, le trublion. L'adolescente fit onduler sa queue, essayant de ne pas penser au vent glacial qui lui passait à travers le corps, la faisant frissonner de froid à chaque seconde. La jeune louve leva la tête, inspirant avec délice l'odeur sucrée des fleurs qui tapissaient le sol où elle marchait actuellement. Des fleurs aux pétales aux mille couleurs et aux milles senteurs différentes, plus délicieuse les unes que les autres. Ah... cet endroit, ce moment béni où elle pouvait se rire d'une personne se faisait tellement rare en ces temps de trouble. Un grondement sourd venant de son estomac lui rappela la faim qui la taraudait en plus du froid, ces deux désagréables sensations qu'elle essayait d'oublier pour vivre pleinement le moment présent. Amaryllis se lécha une patte, tel un félin, et, d'une voix doucereuse déclara :

L'adolescente trouvait vraiment la situation amusante. Elle qui se trouvait en territoire ennemi s'amusait à questionner une louve qui aurait dû la chasser depuis bien longtemps déjà. Et elle en éprouvait un grand plaisir à "torturer" cette pauvre louve que le destin avait voulu qu'elle croise la route de la louve de l'air. Amaryllis inspira à nouveau l'odeur des fleur, et, d'une voix légère, longue, s'exclama à nouveau :

La louve mit quelques instants à répondre, quelques instants dont profita Amaryllis pour la détailler, encore et encore. Son air renfermé, ses mèches rouges cachant en parti son museau, et ses étranges yeux bleus voilés. L'adolescente pencha la tête de côté, le regard sans émotion, presque blasée. Elle se mit à bailler, signe de son ennui, attendant le nom de la louve de la terre qui n'était visiblement pas pressée de lui dévoiler. Amaryllis ferma les yeux, feignant de s'endormir tandis qu'elle inspirait avec délice l'odeur sucrée des fleurs, s'imprégnant de la fraîcheur de cette journée, imaginant sans mal les nuages gris au-dessus de sa tête, un orage éclaterait bientôt c'était certain. Un autre, et ça ne serait certainement pas le dernier.

La louve des hurlements de l'air rouvrit ses yeux émeraudes. Kipina ? Ca lui correspondait plutôt bien, c'était un joli nom, mais Amaryllis ne fit aucunement part de sa pensée. Et, avec étonnement, l'adolescente vit la louve de la terre lui tournait le dos et partir dans le sens inverse. Amaryllis dressa ses oreilles sur sa tête, légèrement surprise puis, le sourire aux babines, rejoignit en quelques bonds la louve. De sa patte, elle lui plaqua la queue au sol, l'empêchant d'avancer. Elle ne voulait bien sur pas lui faire mal et la relâcha aussitôt, elle voulait plutôt attirer son attention.

Oui, c'était l'hôpital qui se fout de la charité, on peut le dire. Elle qui était d'une arrogance et d'une insolence sans limite, la voilà à sermonner une louve d'un autre clan, sur son territoire et qui était en plus de cela adulte. Suicidaire elle ? Non, plutôt inconsciente, et bien sure d'elle. Un grondement sourd fit lever la tête à Amaryllis, la pluie ne tarderait ps à tomber. Un éclair fourchu jaillit, puis un autre. Quelques gouttes s’abattraient bientôt sur l'herbe humide puis un déluge, c'était le même scénario depuis que la guerre avait été déclarée. L'adolescente renifla bruyamment.

Elle aplatit sa mèche verte avant de reporter son attention sur Kipina. Elle n'avait jamais vu une adulte aussi renfermée si... facile à manipuler et intimider ! Cela n'était même plus amusant. Mais le plus déroutant, c'était ses grands yeux azur, si bien qu'Amayllis ne put s'empêcher de lui poser la question :

D'abord étonnée, Amaryllis papillonna des yeux avant d'éclater de rire. La gueule grande ouverte, la queue s'agitant en tout sens, elle était parcourue de spasmes, ne pouvant s'arrêter de glousser. Qu'il était hilarant de voir à quel point les autres loups même les plus timides pouvaient s'emporter dés qu'on les titillait un peu ! Alors qu'elle continuait à se tordre de rire, le ciel gronda plus fort, et les quelques gouttes qui avaient humidifiés le pelage gris de la jeune louve se transforma en véritable déluge. Des gouttes énormes s'écrasèrent au sol dans un bruit sourd, trempant rapidement Amaryllis la glaçant jusqu'aux os et arrêtant par la même occasion son fou rire. Elle grimaça légèrement, sa mèche trempée se collant devant ses yeux, obstruant en parti sa vue. Elle l'écarta d'un mouvement de tête, tandis que de son poil épais s'égouttait l'eau. Elle grogna.

Kipina venait de répondre à sa seconde question, arrachant un sourire à l'adolescente. Elle était sur la défensive, et visiblement agacée par la jeune louve. Très bien, c'est ce qu'il fallait. Elle fut tout de même étonnée par la réponse de la louve de la terre. Ses yeux ? Etranges ? Err... on lui avait souvent dit qu'ils étaient somptueux, trompeur, pétillants, remplis de sournoiseries, mais jamais étranges. La louve voyait elle claire au moins ? Peut-être la pluie la trompait, ou alors elle avait un problème de vue... était-elle aveugle ? Cela serait peu étonnant, son regard était vide et voilé. Un sourire rusé étira ses babines, autant s'amuser sur ce sujet, au risque d'être blessante. Très blessante.

Sans bruit, elle contourna Kipina, tel un prédateur, encerclant sa proie avant de bondir dessus. Son regard était brillant, et sa mine tout sauf joyeuse, elle exprimait plutôt un regard de bête sauvage, affamé, le regard que prenait certains d'entre eux, lorsqu'ils perdaient la raison. Amaryllis aimait tellement jouer sur ses émotions. Elle s'arrêta dans le dos de la louve des griffes de la terre et, au lieu de se jeter sur elle, retrouva son sourire, avant de fredonner une petite mélodie, comme elle aimait le faire. Il s'agissait d'une veille chanson de conte, enfantine mais à la fin lugubre. Elle ne se rappelait pas vraiment des paroles, mais l'air était encré dans sa mémoire. Son but ? Juste voir comment réagirait la louve. Un éclair fourchu zébra le ciel, faisant légèrement tressaillir Amaryllis qui frissonnait, trempée.

La louve des griffes de la terre avait visiblement perdu tout instinct de rébellion. Nerveuse, elle s'était éloignée de l'adolescente qui s'était aussitôt rapprochée, le bruit de ses pas, couverts, par la pluie battant le sol herbeux. Il était tellement amusant de voir à quel point cette louve était facile à déstabiliser et à intimider.

Sa question fit sourire Amaryllis. Un rire léger s'échappa de sa gueule. Même si la pluie la glaçait jusqu'aux os, elle était joyeuse, joyeuse d'avoir enfin pu se divertir. Il avait juste fallu que cela tombe sur Kipina, tout simplement. Au final, la jeune louve avait pitié d'elle, être aussi renfermée ne devait pas être simple tous les jours. Enfin, elle n'avait qu'à s'affirmer, et l'adolescente des hurlements de l'air ne se pria pas de lui faire part de sa pensée :

La fin de ses paroles se perdit dans le grondement du tonnerre. La pluie se renforça, faisant gronder l'adolescente. Et puis, un éclair s'abattit à une centaines de mètres de là, faisant sursauter Amaryllis. Elle songea quelques secondes à aller s'abriter sous un arbre avant de se rendre compte que son idée était stupide. La jeune louve chercha du regard un endroit ou s'abriter de l'orage, il n'y avait que de l'herbe et quelques arbres solitaires, pas de quoi s'abriter. Et, alors, l'adolescente discerna ce qui ressemblait à un grand rocher, tel un promontoire projetant son ombre imposante, sèche, et à l'abri de la pluie. Mais cette pierre était plutôt loin. L'adolescente jeta un coup d'œil à la louve des griffes de la terre. Pouvait-elle la laisser ainsi ? Sous cette pluie battante ? Si elle n'était pas "handicapée", elle l'aurait certainement laisse la, mais sa sournoiserie d'enfant avait des limites. Soupirant, l'adolescente colla son pelage imbibé d'eau au poil tout aussi trempé de Kipina. Elle déploya ses ailes angéliques non sans regret, les abritant tant bien que mal de l'eau, pour voler, ou du moins s'élever à quelques centimètres du sol, elle devrait attendre qu'elles soient sèches. Enfin, ce n'était pas très important.

Sans attendre de réponse, elle se mît à avancer, ses yeux braqués sur le rocher.

La louve des griffes de la terre se laissa guider par l'adolescente qui se trempait tandis que la nourrice était bien abritée sous les larges ailes d'Amaryllis. Cette dernière avançait le pelage gonflait d'eau, sa mèche verte collante, lui barrant la moitié du visage ainsi que sa vision. Lorsqu'elles se retrouvèrent à l'abri, sous l'immense pointe rocheuse, l'adolescente au pelage gris et trempe pour un petit soupir soulagé avant de s'ébrouer, dispersant des gerbes d'eau un peu partout et atteignant certainement Kipina au passage. La louve aveugle s'était roulée en boule, paraissant encore plus chétive ainsi recroquevillée sur elle même, semblable à un louveteau. Amaryllis sourit, se passant sa langue rose sur ses babines.

L'adolescente des hurlements de l'air dressa les oreilles, en entendant la voie timide de Kipina. Elle fouetta l'air de sa queue, éclaboussant encore l'endroit de gouttelettes, tout en frissonnant et sentant le froid s'infiltrer en elle encore plus que d'ordinaire à cause de ses poils humides. Et, d'une voix légèrement dure comme une mère sermonnant ses petits, elle s'exclama :

Elle se mît à rire en se rendant compte de l'avantage qu'elle venait de s'offrir. Ainsi, personne ne saurait qu'elle s'était rendue sur les terres des griffes de la terre, et elle ne comptait pas en rester la pour profiter de la dette de la louve des griffes de la terre. Amaryllis remit sa mèche humide à sa place puis, s'allongea, les pattes croisées sur sa tête, la queue haute et ondulant de droite à gauche, un sourire mystérieux sur les babines, le regard brillant. Bien sur, la louve ne pouvait pas la voir, mais l'adolescente se délectait simplement de sa mise en scène dont elle était la seule spectatrice. Levant la tête et poussant un petit onomatopée comme ci elle réfléchissait, elle déclara à voix haute pour elle même :

Elle se releva et se mît à tourner en rond et réfléchissant.

Amaryllis la dévisagea, ses yeux verts se plissant légèrement pendant qu'elle fronçait son museau peu convaincue. Elle fouetta l'air de sa queue en s'ébrouent à nouveau, débarrassant son pelage encore bien imbibé. L'adolescente avait du mal à croire aux paroles de la louve. On pouvait être très peureuse et pas douée pour un sou à cause de sa cécité, la jeune louve était persuadée que Kipina lui serait utile, tôt ou tard... Le visage de la louve des hurlements de l'air se fendît d'un petit sourire. Reportant son attention sur la louve, Amaryllis répondit alors, à la déclaration de son interlocutrice :

Amaryllis partit dans un petit rire, avant de s'approcher silencieusement de Kipina, légèrement abaissée, le regard brillant de malice. En quelques pas discrets, la louve grise s'approcha jusqu'à être au niveau de la tête de la louve, elle la contempla en silence, observant ses grands yeux vides, la mine indifférente. L'adolescente s'assit en face de Kipina, remettant sa mèche humide à sa place, tout en demandant de une voix trainante :

Amaryllis avait dit cela sans émotion, pas un brin d'ironie n'avait transpercé sa voix d'habitude si moqueuse. L'adolescente se mît à bailler, tout en léchant son poil humide pour essayer de se réchauffer un temps sois peu. La pluie continuait de tomber, tambourinant sur le rocher au-dessus de leurs têtes martelant l'herbe avec dureté, rendant le sol boueux. L'adolescente soupira en observant les caprices du ciel.

Cette parole était destinée à Kipina, même si elle l'avait dit toujours sans émotion, regardant la pluie avec indifférence.