Il avait plu des cordes toute la nuit, si bien qu’au matin on pouvait nettement sentir l’odeur de l’herbe et de la terre mouillés. Au petit matin, Greylior se leva péniblement. Il avait mal dormis car les forts clapotis de l’eau qui tombait du ciel l’irritaient. Ayant l’esprit encoure embué, il laissa s’échapper un long bâillement puis s’étira de tout son long. Ensuite, il se secoua pour remettre ses idées en place. Tel est la ritournelle habituelle du commandant chaque matin. Lentement et sûrement, il sortit de la tanière dans laquelle dormait encore d’autres de ses congénères. Une promenade de santé ne ferait pas de mal. A peine avait-il parcouru quelques mètres que Greylior se retrouvait les pattes boueuses, profondément enfoncées dans de la terre plus qu’humide. En fait, elle était carrément noyée dans l’eau ! Pire que de la bourbe. D’ailleurs, le commandant avait dû mal à extirper ses pattes de la gadoue. Ca le ralentissait considérablement. Tient… Une idée d’entrainement pour ces guerriers venait même de fuser dans sa tête grâce à cette terre plus que meuble. Aussi vite qu’il le pouvait, Greylior essaya de s’enlever de ce piège quelque peu marécageux. Une fois ceci fait, il fonça le plus vite que possible… en essayant de courir sur la boue. Ce qui était en fait infaisable car il pataugeait plus qu’autre chose en secouant ses pattes dans tous les sens. Il n’était pas bloqué, loin de là même si on aurait pu le prendre pour un fou. En fait, il détenait là le nouvel entraînement en question. Plutôt satisfait de celui-ci, il trouva une astuce pour sortir. Le loup respira profondément puis leva assez haut une patte puis l’autre. Ainsi, il marcha en faisait de grands mouvements mais cela facilitait grandement la mobilité.

Greylior se trouva un chemin moins boueux où marcher tranquillement. Comme il n’avait rien de particulier à faire, il décida qu’un tour de ronde ne serait pas du luxe. Après tout, c’était son devoir de commandant de veiller à ce que le territoire ne soit pas espionner par un quelconque loup malveillant d’une tribu adversaire venant tirer des informations. Ou encore rester à l’affut d’une attaque ennemie. Certes on pourrait prendre ça pour de la paranoïa… Mais Greylior était un combattant qui se voulait de gagner pour sauver sa tribu. C’était donc tout à fait normal qu’il veille au bien de ses congénères. Et puis, n’était-ce donc pas un loup loyal ? Sans compter que son odorat ne le trompait pas. Car une fois arrivé à la Forêt Perdue et s’être bien engouffré entre des arbres parfois centenaire vois plus, Greylior crut sentir la présence d’un loup. Qui venait d’une tribu ennemie, qui plus est. Mais venait s’ajouter à cette écœurante odeur d’un être étranger, celle du pin, chêne, marronnier et toutes sortes espèces d’arbres. Leurs parfums sentaient plus fort que d’habitude à cause de la pluie. Ce qui embrouillait un peu les pistes de Greylior. Comme il y avait intrusion, le commandant resta sur sa plus grande vigilance et sur sa défensive. Qui sait ce que l’adversaire réserve ?

Il était tout proche. Qui ça ? L’ennemi, voyons. Greylior sentait son seulement son odeur mais également sa présence. Le commandant regarda à droite et à gauche sans rien voir. Puis, il tenta de lever la tête vers le ciel. Impossible de voir les cieux bien cachés parmi les feuilles des arbres. Une attaque aérienne n’était donc pas exclue. Oui, car certains avaient l’étrange particularité d’avoir un dos garnit de plumes… D’ailes. Quoi que Greylior se baladait bien avec un crâne sur sa tête. Le loup marcha en arrière puis un pas à gauche et à droite. Bref, un enchainement de pas qui formaient une danse très discrète. Sauf que Greylior n’était pas là pour danser. Soudain, le bruissement des feuilles se fit entendre. Ni plus ni moins, le commandant se tourna vivement en direction du bruit. Un loup se présenta devant lui, sortant de sa cachette en sautant. Pas étonnant que Greylior ne le voyait pas. Le pelage du loup se tenant en face de lui était tout gris avec quelques nuances plus foncées ou clairs. C’était évidemment l’une des couleurs parfaites pour se camoufler. L’inconnu montra ses crocs blancs et fixa le loup rouge avec colère et méchanceté. S’il croyait pouvoir impressionner Greylior, il se mettait la griffe dans l’œil. Ayant un grade assez élevé, il en avait déjà vu des vertes et des pas mures et ce n’était pas une belle dentition aiguisée qui allait le faire fuir.

-Oh, mais aurais-je l'honneur de rencontrer un loup du feu ?

C’était à mourir de rire ! Encore un peu et Greylior rigolerait tout seul… De façon sarcastique certes, mais il aurait rigolé. Il avait tout de même évité de ce lâcher. Tout ce qui sortit de sa bouche à ce moment fut un « hm hm » ironique. Ce loup inconnu venait de pénétrer dans un territoire adverse et il se permettait d’avoir ‘’l’honneur de rencontrer un loup du feu’’. L’honneur ne revient qu’à celui qui concrétise un exploit qui lui vaut des médailles. Hors, le seul honneur qu’il aurait pu avoir c’était de sagement rester dans ses limites de terrain. Et ne pas être tenté par la curiosité de se promener dans les terres ennemies, par la même occasion. Puisque qu’on jouait à ce… Jeu qui paraissait marrant, Greylior se permit de s’accorder un droit. Celui de répondre du tac au tac.

-Ah ! Cela est fort possible. Surtout que moi aussi j’ai l’immense honneur de voir un invité… sans invitation…

Puis Greylior huma l’air une seconde. Ce charmant convive portait également l’agréable odeur de la Tribu de la terre ! Allons donc brûlez ce si joli arbrisseau.

Le loup devant Greylior le fixait on levant un sourcil. C’est qu’il n’avait pas l’air content le petit loup-loup. Il se mettait lentement à tourner autour du commandant. Mais à quoi ce stupide étranger jouait-il ? Le territoire de la Tribu du Feu n’était pas une cours de récréation pour un étranger de ce gabarit. Il voulait donc vraiment s’amuser avec le feu ? Et sans jeu de mot.

-Oh mais ne joue pas l'innocent avec moi. Quand les nuages ont portés conseil et que la Terre avait besoin de toi, où étais-tu ? Ne cherches- tu pas à aider les tiens après le déluge. Non et bien je m'en fiche, ici sur tes terres ce trouve de la Racine de bardane et il n'y en a qu'ici alors si tu serais gentil…

L’inconnu laissa un temps de suspension. Un sourire des plus sournois s’afficha grandement sur ses babines. Cherchait-il à effrayer Greylior ? Alors, il était loin du compte. Le commandant avait connu bien plus terrorisant qu’un simple rictus annonciateur. De plus, ce loup disait à Greylior ce qu’il devait faire. Aider des loups du… Déluge ? Tout ce qu’il avait eu, c’était une pluie. Assez forte, certes mais pas assez pour prier les dieux. Il ne devait y avoir guère beaucoup de victimes. Et si jamais il y en avait, d’autres loups ce serait charger de les venir en aide. Les devoirs premiers de Greylior étaient de protéger le territoire du Feu et d’entraîner au mieux ses guerriers. Ce loup ne savait décidément pas à qui il avait à faire. D’ailleurs il lâcha un :

-D-É-G-A-G-E !

Ça avait au moins l’avantage d’être claire et net. Mais… Que croyait cet étranger ? Il avait pénétré un territoire ennemi et puis il se permettait de demander à un de ces occupants de… Partir et ce de la façon la plus grossière qu’il soit. Tout ça pour recueillir des fleurs. En un seul mot ; pitoyable. Pour prendre le risque fou de faire la cueillette sur un territoire adverse, il ne fallait pas être bien malin. Ce devait être un guérisseur mais Greylior préféra rester sceptique à ce sujet. Et l’heure n’était pas de savoir quel était le rôle de l’autre. En observant bien, le commandant cru voir un mouvement de recul de la part de l’inconnu. Ainsi, il voulait se montrer puissant mais ne l’assumait pas. Pathétique. Greylior ne put s’empêcher de rire. Un rire bien rauque et cynique. Pas le genre machiavélique qu’on peut entendre à des kilomètre à la ronde et à s’en casser la gorge. Non. C’était bien plus subtil que ça. On dirait bien que cet hôte avait le sens de l’humour. Le commandant s’approcha du loup gris. Son visage n’était plus qu’à quelques centimètres de l’inconnu. Greylior voulait que celui s’abaisse devant lui. Histoire de montrer qui était le chef. Après, libre à ce loup de se sentir soumis. Et si ce serait le cas, soit il est un peu trop simple d’esprit, soit… Il ne sait pas à qui il avait à faire.

-T’es marrant. Tu me dictes ce que je dois faire… Sur une terre qui n’est pas la tienne, qui plus est. Tout ça pour aller cueillir, souffla Greylior.

Il se tint ensuite on ne plus éloigné du loup. Quelques minutes auparavant, il avait dit vouloir chercher de la bardane. Greylior n’était pas un fin connaisseur de plantes, tout de fois, il savait à quoi ressemblait de la bardane même s’il n’en savait pas comment l’utiliser en tant que remède. Ainsi, une idée lui trotta en tête… Il se pourrait bien que notre inconnu ne trouve aucunes bardanes dans cette forêt alors que justement, on peut en trouver facilement.

-C’est plutôt toi qui devrait foutre le camp d’ici ! Tu n’es pas le bienvenu… Mais ça, tu dois t’en douter, j’imagine. Aller ! Va-t’en ! hurla Greylior.

Oui. Qu’il s’en aille tant qu’il en était encore temps. C’était déjà bien courtois de la part du commandant de lui laisser la vie sauve.

Minable vermine. Le loup devant Greylior baissa les oreilles alors qu’il semblait si sûr de lui au début de cette rencontre. Pourtant, le commandant n’était pas du genre à abuser de son pouvoir et de se croire le plus fort. Mais qu’on ne vienne pas jouer à la loi du plus fort avec lui si on n’assumait pas son rôle ! C’était d’une contradiction…

-Bien. Je pars, je ne reviendrai peut-être pas. Peut-être qui sait ou mes pattes me guiderons. Heuheum.

De tant qu’il ne remettrait plus ses sales pattes sur le territoire des Crocs du Feu, cela était bien égale à Greylior. Que ce loup se fasse asservir pour une meute enragée, le commandant s’en foutrait. Certes, c’était cruel de penser ce genre de chose mais entre clans ennemi, pas de pitié ! Et puis, est-ce que ce loup aurait lui aussi de la sympathie pour Greylior ? Certainement pas. De plus, le commandant ne supporterait qu’on le prenne en pitié. Même dans les moments plus durs, c’est ce qui forgeait l’âme. Aussi, le loup devant lui recula dans l’ombre mais ré-avança bien vite.

-Qui es- tu ?

Greylior eut un moment de réflexion. Il savait qui il était mais ce n’était pas ça qu’il réfléchissait. Cette question voulait dire que les clans adverses ne savaient pas l’identité du commandant… Cela pourrait bien se tourner à l’avantage de Greylior s’il l’utilisait correctement. Autant laisser planer une part de mystère autour de lui. Il se racla la gorge, prêt à répondre.

-Je ne vois pas en quoi cela t’intéresserait.